Comment mesure-t-on le poids économique du tourisme en France ?

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Mélanie Chassard, Pierre Girard et David Lévy, Insee.
Comment mesure-t-on le poids économique du tourisme en France ?
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En 2021, le tourisme contribue à 3,0 % de la richesse créée par l’économie française, soit 75,7 milliards d’euros. C’était plus de 4 % avant la crise sanitaire. Pour mesurer ce produit intérieur brut (PIB) touristique, l’Insee applique les concepts et les méthodes recommandés au niveau international. Le calcul consiste à évaluer la valeur ajoutée par le tourisme dans chacun des secteurs d’activité. Il suppose d’abord de distinguer les dépenses réalisées par les touristes de celles des non-touristes. Il faut ensuite soustraire les consommations intermédiaires et les importations de biens et services. La clientèle résidente contribue davantage au PIB touristique que la clientèle venant de l’étranger, avant comme pendant la crise sanitaire.

La France s’enorgueillit d’être le premier pays touristique au monde. Mais que représente le tourisme dans l’économie française ? Comment son poids se compare-t-il avec d’autres pays ? Comment évolue-t-il d’année en année ? Pour répondre à ces questions et ainsi éclairer avec des données fiables l’ensemble des acteurs du tourisme et plus largement les citoyens que le sujet intéresse, l’Insee élabore ce qu’on appelle un compte satellite du tourisme. Celui-ci se fonde sur le cadre de la comptabilité nationale.

Le tourisme représente 3,0 % du PIB en 2021

Jusqu’ici, l’Insee mesurait uniquement la consommation des touristes, ce qui permettait d’appréhender ce que représente le tourisme dans l’économie française mais n’était pas suffisant pour évaluer sa part dans la création de richesse totale. Ce n’est que depuis avril 2023 qu’on dispose d’une mesure du produit intérieur brut (PIB) touristique français, grâce à un travail mené par l’Insee en cohérence avec les concepts et méthodes standardisés au plan international (cf. encadré).

Il en résulte qu’en 2021 la création de richesse associée au tourisme, c’est-à-dire le PIB touristique, représente 3,0 % du PIB total de la France [Chassard M., 2023]. La même méthode a été appliquée pour mesurer le poids économique du tourisme en 2020 ainsi qu’en 2019. Celui-ci était plus élevé en 2019, avant la crise sanitaire qui a fortement affecté le tourisme : 4,1 % du PIB total. La valeur ajoutée imputable aux activités touristiques en France avait été estimée en 2017 à hauteur de 4,4 % du PIB, selon une méthode proche par la Direction générale des entreprises du ministère de l’économie [Lomonaco, 2019]. Si la France est dans le trio de tête en termes de nombre de touristes, ces indicateurs la placent dans la moyenne des pays de l’Union européenne en termes de part de la valeur ajoutée du tourisme dans la valeur ajoutée totale (4,5 % pour l’ensemble de l’Union en 2019). Cela illustre une dépendance de l’économie au tourisme plus faible en France que dans d’autres pays tels que la Croatie (11,8 %), le Portugal (8,1 %), l’Espagne (6,9 %) ou l’Italie (6,2 %).

Chaque activité n’est pas à 100 % touristique

Mais comment aboutit-on à l’évaluation de cet agrégat qu’est le PIB direct du tourisme ? La première étape consiste à isoler, dans chaque secteur d’activité, les dépenses réalisées par des touristes, c’est-à-dire des visiteurs (touristes et excursionnistes) français ou étrangers, au cours ou en vue des voyages qu’ils ont effectués en France ou à partir du territoire français (cf. schéma). Par exemple, les dépenses dans les restaurants et cafés ne sont pas toutes réalisées par des touristes. En 2021, 20 % des dépenses dans la restauration étaient le fait de touristes. Pour ce qui concerne l’hébergement, 100 % des dépenses dans les hôtels et les campings sont considérées comme étant des dépenses de tourisme ; on y ajoute 12 % des dépenses pour se loger dans l’ensemble du parc résidentiel, correspondant majoritairement à des résidences secondaires, ce qui donne au total un taux de 16 % des dépenses d’« hébergement » (hôtel, campings et parc résidentiel) imputables au tourisme. Ce taux de « touristicité » évolue chaque année. Pour la restauration, il était plus élevé avant la crise sanitaire : 24 % en 2019. Dans chaque secteur, il est évalué avec des sources statistiques variées [Chassard, 2023].

Schéma : Méthode de calcul du poids économique du tourisme en 2021

Méthode de calcul du poids économique du tourisme en 2021
Champ : France entière.
Source : Insee, compte satellite du tourisme, base 2014.
Le PIB du tourisme représente la moitié des dépenses des touristes

Tout ce que dépensent les touristes ne peut pas être assimilé à la création de richesse associée au tourisme. Par exemple, le prix payé pour une nuit d’hôtel avec petit-déjeuner sert en partie à payer les aliments dont l’hôtel a besoin pour servir les petits-déjeuners, mais aussi des produits d’entretien pour le ménage, de l’énergie pour le chauffage… qui constituent des consommations intermédiaires. Ces consommations intermédiaires doivent ainsi être retirées du montant de la dépense des touristes pour mesurer la valeur ajoutée directement produite par l’hôtel.

En outre, certaines dépenses des touristes portent sur des biens et services qui n’ont pas été produits en France mais ont été importés. Représentant des montants nettement moins élevés que les consommations intermédiaires, le montant de ces importations est également à retirer pour calculer la valeur ajoutée. Par exemple, un souvenir qu’un visiteur achète lors de son séjour en France a pu être fabriqué à l’étranger et seul l’écart entre son prix de vente et son prix d’importation compte dans la valeur ajoutée.

Au total, le PIB du tourisme correspond à la somme des valeurs ajoutées directement liées au tourisme dans chaque secteur d’activité, c’est-à-dire aux dépenses des touristes desquelles sont retirées les consommations intermédiaires et les importations, à laquelle on ajoute les impôts et on retire les subventions. En 2021, les dépenses des touristes, dites aussi « consommation touristique intérieure », sont estimées à 140 milliards d’euros. En retirant les consommations intermédiaires et les importations de biens et services, on aboutit au PIB direct du tourisme, estimé à 75,7 milliards d’euros.

Si on reprend l’exemple de la restauration, ce secteur crée 32,9 milliards d’euros de valeur ajoutée en 2021. Considérant que 20 % de l’activité de restauration est touristique cette année là, la valeur ajoutée directe du tourisme pour les restaurants et cafés s’établit ainsi à 6,7 milliards d’euros.

La clientèle domestique génère les trois quarts du PIB touristique en 2021

Quelle part du PIB touristique relève de la clientèle domestique, c’est-à-dire les touristes résidents qui consomment en France, et quelle part dépend des touristes non-résidents, qui viennent de l’étranger ? Ces derniers dépensent individuellement davantage que les touristes résidents, par exemple dans la restauration. Mais comme ils sont beaucoup moins nombreux, la dépense touristique dépend majoritairement de la clientèle résidente : en 2021, celle-ci contribue à 72 % de la dépense touristique. C’était 64 % en 2019, la clientèle étrangère ayant été partiellement absente du fait de la crise sanitaire en 2021. La clientèle domestique génère ainsi l’essentiel du PIB touristique.

Deux guides de référence pour évaluer le poids économique du tourisme
Pour que les données soient comparables entre pays et dans le temps, l’Insee applique des méthodes conformes aux recommandations internationales. Plusieurs pays se sont ainsi dotés dans les années 1990 de grandeurs économiques issues de leur comptabilité nationale pour tenter d’estimer le poids économique du tourisme. Les travaux ont été progressivement repris puis synthétisés par les organisations internationales (ONU, OCDE, Union européenne), aboutissant à deux guides de référence : un guide précisant les concepts et le champ du tourisme (IRTS) et un autre définissant un compte satellite du tourisme (TSA-RMF). Les concepts et les méthodes de mesure économique du tourisme sont ainsi stabilisés depuis 2008 au niveau international.

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