Quitter Paris pour la campagne…
Un rêve de citadin mais pas (encore ?) une réalité statistique
Au cours de l’année 2017, 128 000 personnes ont déménagé de la capitale (pendant que 95 000 s’y installaient). Tout récemment, 200 000 Parisiens sont partis de leur ville à l’occasion du confinement. Quitter Paris pour la campagne, rêve de citadin, n’est pourtant pas une réalité statistique, ou du moins pas encore. C’est la réalité du marché du travail qui aujourd’hui s’impose.
Partir de Paris ne signifie pas quitter la région parisienne : 55 % des partants sont restés en Île-de-France, dont la majorité dans l’agglomération parisienne. Les autres se retrouvent pour moitié dans des grandes villes de province. Les départs pour « la campagne » sont donc minoritaires, et souvent le fait de retraités.
Les actifs en couple, avec ou sans enfant, continuent de travailler à Paris mais s’en éloignent pour un logement plus grand. Pour les habitants de l’agglomération parisienne, le même mouvement est à l’œuvre : qu’ils demeurent dans la région ou qu’ils habitent à sa périphérie, ils sont très nombreux à y travailler. À l’échelle de la région, les arrivées d’actifs sont presque aussi nombreuses que les départs.
Au moment du confinement, 200 000 habitants de Paris intra-muros ont quitté leur ville pour d’autres départements. Cet exode exceptionnel amplifiait-il une lame de fond de départs de la capitale ? Les données du recensement ne le disent pas (encore ?).
Pour déterminer si les Parisiens quittent Paris, il faut d’abord s’accorder sur le territoire dont on parle. Qu’entend-on généralement par « Paris » ou « Parisiens » ? Les habitants de la capitale (Paris intra-muros) ? Ceux de l’agglomération parisienne, au sens de l’unité urbaine ? Ou plus largement ceux de la « région parisienne », c’est-à-dire l’Île-de-France ? Nous verrons que dans chacun de ces périmètres, les migrants ont des motivations similaires.
Les Parisiens qui s’installent « à la campagne » sont beaucoup moins nombreux que ceux qui restent dans l’agglomération parisienne
Pour ce qui est des « habitants de la ville de Paris », en ne prenant en compte que les flux avec le reste de la France métropolitaine , près de 128 000 d’entre eux ont quitté la capitale en 2017 tandis qu’environ 95 000 personnes faisaient le chemin inverse.
Parmi ceux qui ont quitté la capitale, plus de 71 000 sont restés en Île-de-France, et même dans l’agglomération parisienne pour la majorité d’entre eux. Ce sont pour la plupart de jeunes adultes, qui effectuent des « sauts de puce » lorsqu’ils déménagent. Ils s’installent à proximité de Paris, à la recherche d’un logement plus grand et plus accessible, notamment lorsqu’ils se mettent en couple. Plus de 80 % d’entre eux sont actifs et près de la moitié travaillent dans Paris. Pour les couples sans enfant, la mobilité « hors Paris » s’est accentuée : ils représentent 27 % des départs en 2016 contre 23 % en 2008. Ces départs plus précoces, avant même l’arrivée du premier enfant, contribuent au ralentissement démographique observé dans la capitale et à la baisse des naissances.
Ceux qui sont partis s’installer plus loin, en province, sont au nombre de 57 000. Ils rejoignent pour moitié des grandes villes (Bordeaux, Lyon, Nantes) et pour l’autre moitié des territoires moins denses. Les Parisiens qui s’installent « à la campagne » sont donc beaucoup moins nombreux que ceux qui restent dans l’agglomération parisienne. Les retraités sont plus représentés parmi ces migrations résidentielles « de longue distance ». Le solde migratoire des 65 ans ou plus avec le reste du territoire français est traditionnellement déficitaire (– 4 100), mais reste stable. Parmi ces seniors, 60 % choisissent de s’installer en province, principalement dans les régions littorales. À noter que plus du quart des seniors qui quittent Paris s’installe dans une structure d’accueil spécifique pour personnes âgées.
En sens inverse, les personnes qui rejoignent Paris sont plus jeunes. Les 15-29 ans représentent 63 % de ces arrivants. Ils viennent pour étudier ou occuper un premier emploi.
En 2017, 20 % des personnes qui ont quitté l’agglomération parisienne restent en Île-de-France
S’agissant des mobilités résidentielles entre l’agglomération parisienne et le reste de la métropole, les échanges sont également déficitaires, comme pour Paris. En 2017, près de 245 000 personnes ont quitté l’agglomération, appelée aussi unité urbaine de Paris, contre 150 000 qui l’ont rejointe.
Figure 1 – Des territoires attractifs, même aux portes de Paris
Parmi celles qui ont quitté l’agglomération parisienne, près de 20 % sont restées en Île-de-France. Cette mobilité de proximité concourt à la périurbanisation.
Ce sont principalement des familles qui s’installent dans les Yvelines, mais également la Seine-et-Marne ou l’Essonne. Ces deux derniers départements présentent même des soldes migratoires avec le reste du territoire français proches de 0, les arrivées et départs s’équilibrant. À une échelle plus locale, certains territoires franciliens se révèlent même attractifs, présentant un solde migratoire positif. Ils sont situés au sud-ouest ou à l’est de Paris.
Parmi les quelque 200 000 personnes qui s’installent en province, beaucoup effectuent des mobilités de « proximité », notamment vers les départements limitrophes d’Eure-et-Loir, de l’Oise, du Loiret ou de l’Yonne. On dénombre également 80 000 personnes effectuant des mobilités de plus longue distance notamment vers les métropoles de Lyon, Bordeaux, Toulouse et Nantes.
Dans le sens inverse, les arrivants dans l’agglomération parisienne, principalement de jeunes adultes, viennent de province pour les deux tiers, en particulier des métropoles de Lyon, Toulouse et Lille. Le tiers restant provient du reste de l’Île-de-France, notamment des Yvelines d’où sont originaires près de 10 % des arrivants.
Plus de la moitié des personnes ayant quitté l’Île-de-France pour une autre région française ne sont pas nées en Île-de-France
À l’échelle de l’Île-de-France, toujours en excluant les migrations internationales, on dénombre 231 000 départs et 137 000 arrivées en 2017.
Parmi les 231 000 personnes ayant quitté l’Île-de-France pour une autre région française, plus de la moitié n’y sont pas nées. Il s’agit donc de personnes qui « repartent » après être venues s’installer plus ou moins longtemps en Île-de-France pour y faire leurs études ou y travailler. Ces départs concernent le plus souvent des familles avec enfant(s). Les autres partants sont plus âgés. Parmi les couples sans enfant, la personne de référence du ménage a 40 ans ou plus dans presque la moitié des cas (moins d’un cas sur quatre parmi les arrivants, hors flux avec l’étranger).
En effet, parmi les 137 000 personnes s’étant installées en 2017 en Île-de-France en provenance d’une autre région métropolitaine, presque les deux tiers sont de jeunes adultes (62 % ont entre 18 et 34 ans). Terminer ses études explique la migration de 23 500 étudiants de 18 ans ou plus). Mais le gros des migrants est surtout venu travailler : 82 000 ont un emploi. Nombre de ces nouveaux franciliens repartiront en province après leurs études ou après une première expérience professionnelle. Près des trois quarts ne sont pas nés dans la région.
Figure 2 – Arrivées et départs en Île-de-France
Un déficit migratoire avec le reste du territoire français à relativiser pour l’Île-de-France
Si l’on se limite aux seuls actifs qui ont un emploi, le déficit migratoire de l’Île-de-France avec le reste du pays est divisé par douze et tombe à 8 000. Si on ajoute ceux qui ont quitté la région tout en continuant à y travailler (23 000) et qu’on retranche les actifs installés en Île-de-France mais qui n’y travaillent pas (4 000), le solde est même positif en termes d’emplois pour la région (+ 11 000). En effet, un quart des actifs qui ont un emploi et ont quitté l’Île-de-France pour une autre région continuent à y travailler. La majorité d’entre eux s’est installée dans un des huit départements limitrophes. Dans certains de ces départements (Eure-et-Loir ou Oise), près du quart des salariés travaillent en Île-de-France. Les mouvements d’étudiants (18 ans ou plus) entre l’Île-de-France et le reste du pays conduisent eux aussi à un solde positif pour la région avec 23 500 arrivées et 18 000 départs.
Le solde migratoire avec le reste du territoire français n’est qu’une des trois composantes qui contribue à la variation de la population. Lorsqu’on ajoute le solde naturel, les populations de nos trois périmètres baissent nettement moins quand elles n’augmentent pas. À Paris, entre 2012 et 2017, la population s’est réduite d’environ 11 000 personnes par an, le solde naturel venant contrebalancer le déficit migratoire avec le reste du territoire français. L’unité urbaine gagne 57 000 personnes par an, le déficit migratoire vis-à-vis des autres territoires métropolitains étant plus que compensé par les arrivées de l’étranger et l’excédent naturel. Quant à la population francilienne, elle continue de s’accroître, de 55 000 habitants par an, sous l’effet d’un solde naturel, le plus élevé des régions d’Europe. ■
Figure 3 – Un déficit migratoire de l’Île-de-France avec le reste du territoire français
majoritairement concentré vers les régions littorales ou limitrophes
Pour en savoir plus
- Yann Caenen, Corinne Martinez, Ivan Tissot, Insee Île-de-France ; Marie Molinier, Émilie Moreau, Sandra Roger, Apur, « Migrations résidentielles : 60 % des arrivants dans la métropole du Grand Paris ont entre 15 et 29 ans », Insee analyses Île-de-France n° 59, mars 2017
- Anne-Claire Davy et Phillippe Louchart, IAU Île-de-France ; Yann Caenen, Corinne Martinez, Insee Île-de-France, « Mobilités résidentielles : un impact positif sur l’emploi en Île-de-France », Insee analyses Île-de-France n° 60, mars 2017
- François Semecurbe, Milena Suarez Castillo, Lino Galiana, Élise Coudin et Mathilde Poulhes, Insee, « Que peut faire l’Insee à partir des données de téléphonie mobile ? », Le blog de l’Insee, avril 2020