Évolution des inégalités entre les femmes et les hommes : faut-il se réjouir ou se désoler ?

Évolution des inégalités entre les femmes et les hommes : faut-il se réjouir ou se désoler ?

Actualisation par Émilie Raynaud d’un billet de blog initialement paru en mars 2023 et écrit par Christel Colin et Sylvie Le Minez

Niveau de diplôme, accès à l’emploi et aux postes de cadres, salaires et pensions de retraites, présence dans la vie politique, partage des temps domestique et parental : dans tous ces domaines, les inégalités entre les femmes et les hommes se réduisent lentement sur les décennies passées, ce dont on peut se réjouir. Mais dans ces mêmes domaines, il existe aussi des raisons d’être découragé… et des marges de progrès : à l’exception de la médecine, les filles s’orientent moins vers les filières d’enseignement supérieur scientifiques et sélectives alors qu’elles réussissent mieux à l’école ; les femmes restent minoritaires sur les plus hautes fonctions dans les entreprises, le secteur public comme en politique ; leur salaire pâtit plus que celui des hommes quand elles ont un enfant ; elles sont plus souvent seules et dépendantes en fin de vie. En outre, les femmes restent les premières victimes de violences conjugales. Si le regard de la société sur la place des femmes a bien évolué en cinquante ans, les stéréotypes et les normes de genre ont néanmoins la vie dure et influent encore sur les inégalités femmes-hommes, par exemple en termes de choix d’orientation.


L’édition 2025 de la Journée internationale des droits des femmes est l’occasion de rééditer un panorama de la situation comparée des femmes et des hommes, en s’appuyant sur les nombreux travaux que publient l’Insee et plus largement la statique publique, dont l’ouvrage de référence « Femmes et hommes, l’égalité en question » [Insee, 2022]. Dans de nombreux domaines, les inégalités entre les femmes et les hommes se réduisent lentement au fil du temps [Roussel, 2022]. Alors, faut-il se réjouir ou se désoler ? Les deux sans doute…

Petit tour d’horizon en 10 points et quelques chiffres (bien) choisis:

1. Les filles sortent moins souvent de l’école sans diplôme et sont plus nombreuses que les garçons à faire des études supérieures

Depuis plusieurs décennies, les filles réussissent mieux à l’école. En 2023, dans une génération, 84 % des filles deviennent bachelières contre 75 % des garçons. Parmi les sortants du système scolaire sur la période 2019-2021, 8 % des filles en moyenne et 12 % des garçons sortent sans diplôme ou avec le seul brevet, tandis que 58 % des filles et 47 % des garçons sortent avec un diplôme de l’enseignement supérieur [Depp, 2024].

Pourtant, les filles sont moins confiantes que les garçons sur la réussite de leur année scolaire, que ce soit en début de collège, de Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou de lycée [Andreu et al., 2023].

Les filles s’orientent vers des spécialités différentes : davantage vers les filières littéraires et la médecine, moins vers les autres filières scientifiques et sélectives

D’ailleurs, de façon persistante, les filles s’orientent moins que les garçons vers les filières scientifiques et techniques dans l’enseignement supérieur et moins vers les filières sélectives (à l’exception des études de médecine) : en 2023-2024, elles représentent 38 % des inscrits dans les classes préparatoires aux grandes écoles et prépas intégrées, 29 % des étudiants en formation d’ingénieurs hors université et, à l’université, 32 % des étudiants en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), 67 % en santé, 71 % en arts, langues, lettres, sciences humaines et sociales (figure 1).

Pourtant, au regard des performances des filles et des garçons dans les différents domaines, ces choix d’orientation et de spécialités ne s’expliquent pas nécessairement bien. En mathématiques, à partir de la mi-CP et jusqu’en seconde, les garçons réussissent en moyenne certes mieux les évaluations nationales que les filles. Toutefois, en culture mathématique, les écarts de score en faveur des garçons sont moins marqués dans le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA 2022), sur des exercices nécessitant de mobiliser ses connaissances dans des situations variées et parfois éloignées des programmes scolaires [Eteve et al., 2025], [Bernigole et al., 2023]. Et il n’y a pas de différence significative entre filles et garçons en culture scientifique [Bret et al., 2023].

Ces choix trouvent peut-être aussi racine dans la moindre confiance des filles dans les matières scientifiques. Ainsi, en début de collège, de CAP ou de lycée, les filles ont un sentiment de réussite aux évaluations de mathématiques bien moindre que les garçons, quel que soit leur niveau de maîtrise effectif [Andreu et al., 2023].

Les choix d’orientation ont bien sûr des conséquences directes sur les métiers exercés ensuite. Peut-être en ont-ils également sur la pratique et l’entretien de certaines compétences ? En 2022, comme en 2004 et 2011 [Djider et Murat, 2006], [Jonas, 2012], les femmes adultes ont nettement plus souvent des difficultés en calcul que les hommes : 15 % contre 9 % [Bentoudja et Murat, 2024].

Figure 1 – Part des femmes dans les différentes formations d’enseignement supérieur en 2023-2024

Part des femmes dans les différentes formations d’enseignement supérieur en 2023-2024
1. Données 2022 reconduites en 2023.
2. Périmètre 2019, soit sans prise en compte des grands ensembles universitaires créés ou modifiés par décrets depuis 2020, en application de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux.
3. Y compris en partenariat.
Lecture : en 2023-2024, 67 % des étudiants en formation de santé à l’Université sont des femmes.
Champ : France.
Sources : Mesri-Sies, Systèmes d’information SISE et Scolarité, enquêtes sur les établissements d’enseignement supérieur ; enquêtes sous la responsabilité des ministères en charge de l’Agriculture, de la Santé et des Affaires sociales et de la Culture.

2. Depuis les années soixante-dix, la participation des femmes au marché du travail ne cesse d’augmenter et s’est nettement rapprochée de celle des hommes…

Depuis les années 1970, les femmes sont de plus en plus nombreuses à être présentes sur le marché du travail. En 2023, 71 % des femmes de 15 à 64 ans et 77 % des hommes de ces âges sont actifs au sens du Bureau international du travail (BIT) ; en 1975, l’écart était beaucoup plus important, avec seulement 55 % des femmes en activité contre 84 % des hommes (figure 2). Depuis une dizaine d’années, le taux de chômage des femmes est légèrement inférieur à celui des hommes. Dès lors, les taux d’emploi des femmes et des hommes se sont nettement rapprochés.

Figure 2 – Taux d’activité des 15-64 ans selon le sexe de 1975 à 2023

Taux d’activité des 15-64 ans selon le sexe de 1975 à 2023
r : données révisées (2019 à 2022).
Lecture : entre 1975 et 2023, le taux d’activité des femmes de 15 à 64 ans est passé de 54,5 % à 71,2 %.
Champ : France hors Mayotte, personnes vivant en logement ordinaire, âgées de 15 à 64 ans.
Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail.

… mais en présence d’enfants, ce sont les femmes qui réduisent ou cessent leur activité

Toutefois, à la naissance d’un premier enfant, et encore plus à partir du 2e enfant, ce sont les femmes qui renoncent à leur activité professionnelle. Entre 25 et 49 ans, le taux d’activité des femmes sans enfant est très proche de celui des hommes sans enfant (89 % environ – figure 3). Mais celui des mères de deux enfants, dont un de moins de 3 ans, est de 79 % contre 96 % pour les pères ; celui des mères de trois enfants ou plus, dont un de moins de 3 ans, est de 54 % contre 92 % pour les pères.

Figure 3 – Taux d’activité des 25-49 ans selon le nombre et l’âge des enfants en 2023

Taux d’activité des 25-49 ans selon le nombre et l’âge des enfants en 2023
Note : il s’agit des enfants de la personne, vivant dans le logement.
Lecture : en 2023, le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans sans enfant vivant dans le logement est de 88,9 %.
Champ : France hors Mayotte, personnes vivant en logement ordinaire, âgées de 25 à 49 ans.
Source : Insee, enquête Emploi 2023.

De même, lorsque les mères poursuivent leur activité professionnelle, elles sont nettement plus souvent à temps partiel que les pères. Parmi les femmes en emploi salarié (hors apprenties), 29 % des femmes ayant 2 enfants à charge et 35 % de celles en ayant 3 ou plus sont à temps partiel, contre 5 % et 7 % des pères (figure 4).

Figure 4 – Part du temps partiel selon le nombre des enfants à charge et l’âge du plus jeune, en 2023

Part du temps partiel selon le nombre des enfants à charge et l’âge du plus jeune, en 2023
Note : pour les enfants à charge, sont comptabilisés dans le ménage les personnes de moins de 18 ans à la fin de la semaine de référence n’étant pas en couple et n’ayant pas d’enfants.
Lecture : en 2023, 27,9 % des femmes salariées (hors apprenties) sans enfant à charge travaillent à temps partiel.
Champ : France hors Mayotte, personnes vivant en logement ordinaire, âgées de 15 ans ou plus ayant un emploi salarié, hors apprentis.
Source : Insee, enquête Emploi 2023.

Ainsi, la conciliation vie professionnelle-vie familiale repose essentiellement sur les épaules des femmes, y compris pour les jeunes générations : l’organisation au sein des couples ayant de jeunes enfants témoigne ainsi toujours d’un investissement différencié des deux parents sur le marché de l’emploi, malgré les progrès.
En 2002, sur une échelle allant de l’inactivité à l’emploi à temps complet, les parents des couples avec jeunes enfants (moins de 6 ans) avaient une situation d’emploi similaire dans un tiers des cas environ ; c’est plus fréquent en 2021 (la moitié des cas) [Esteban, 2024]. Ce rapprochement des situations provient principalement d’un plus fort investissement des mères dans la sphère professionnelle, notamment les mères de catégorie cadres et professions intellectuelles.
En particulier, en 2021, dans 46 % des couples avec jeunes enfants, le père et la mère sont tous deux en emploi à temps complet, contre 33 % en 2002. Toutefois dans 42 % de ces couples avec jeunes enfants, les mères restent plus éloignées de l’emploi que les pères : le plus souvent en étant inactives, en congé long, au chômage ou à temps partiel, quand les pères sont à temps complet. Et au sein de ces couples , les mères sont beaucoup plus souvent que les pères à temps partiel, ou sans emploi après l’avoir été, pour des raisons liées aux enfants (six fois plus).

3. Les femmes accèdent de plus en plus aux emplois de cadres…

Avec l’élévation de leur niveau d’études, les femmes accèdent de plus en plus à des emplois de cadres et professions intellectuelles supérieures : si les hommes restent majoritaires, la présence des femmes a doublé, passant de 22 % en 1982 à 43 % en 2023. Au sein des cadres, les hommes sont les plus présents parmi les cadres techniques d’entreprise (77 % en 2023) tandis que la part de femmes est la plus élevée parmi les professeurs, les professions scientifiques (57 %) et les cadres administratifs et commerciaux (52 %). Femmes et hommes sont représentés à égalité parmi les cadres de la fonction publique.

… mais les métiers restent très sexués…

De façon tout aussi persistante que les différences en matière d’orientation scolaire, femmes et hommes n’exercent pas les mêmes métiers ni ne travaillent dans les mêmes secteurs d’activité. Les femmes sont très majoritaires au sein des métiers de service (aides à domicile, assistants maternels, agents d’entretien) et du soin (aides-soignants, infirmiers et sages-femmes), et très minoritaires parmi les conducteurs de véhicule, les techniciens et agents de maîtrise de la maintenance, ou les ouvriers de la manutention ou du bâtiment. Elles le sont aussi par exemple au sein des professions du numérique (moins d’un quart de femmes), domaine où les jeunes diplômés sont pourtant sur-représentés.

… et les femmes accèdent moins souvent aux postes les plus élevés

Accéder à des emplois de cadres ne signifie pas accéder aux plus hautes fonctions. Seuls 29 % des cadres dirigeants du secteur privé – salariés occupant des hautes fonctions d’encadrement dans les entreprises de plus de 250 salariés – sont des femmes en 2022, alors qu’elles constituent près de la moitié des salariés du privé. Elles ne représentent que 24 % des 1 % des salariés du privé les mieux rémunérés, contre 42 % de l’ensemble des salariés en équivalent temps plein en 2023. Dans les trois fonctions publiques, les femmes représentent 67 % de l’ensemble des agents de catégorie A en 2022, mais seulement 44 % des agents de la catégorie A+, qui regroupe les emplois d’encadrement supérieur et de direction [DGAFP, 2024]. Elles ne représentent en outre que 39 % des 1 % des agents les mieux rémunérés, contre 65 % de l’ensemble des emplois dans la fonction publique.

4. Les inégalités de salaire entre femmes et hommes se réduisent peu à peu…

Conséquence de l’accès croissant des femmes à des emplois qualifiés, les écarts de salaire moyen entre femmes et hommes se réduisent peu à peu. En 1995, le revenu salarial des femmes qui travaillent à titre principal dans le secteur privé était inférieur de 34 % à celui des hommes ; en 2023 cet écart s’est réduit à 22 %. Ce dernier tient d’abord aux différences de durée du travail : les femmes sont trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes et ont des périodes d’emploi plus courtes une année donnée. Si on neutralise les différences de durée du travail, l’écart de salaire moyen entre femmes et hommes dans le secteur privé est passé de 22 % en 1995 à 14 % en 2023 [Gerardin, 2025].

… mais subsistent, une grande part venant des différences de secteurs d’activité, de postes occupés, de durée du travail…

22 % d’écart, ou 14 % à temps de travail identique, c’est encore beaucoup. Pour s’y retrouver, décomposer ces écarts est essentiel. Comme ce blog le soulignait déjà dans un billet il y a cinq ans, « beaucoup de chiffres sont fournis sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes en France – l’Insee en étant un grand contributeur ! Tous ne recouvrent pas la même réalité et chacun éclaire un des aspects particuliers de la question ». Cet écart de 14 % à temps de travail identique découle surtout des différences de secteurs d’activité, de métiers et de positions hiérarchiques. Ainsi, à poste comparable, c’est-à-dire la même profession chez le même employeur, l’écart est de 4 % en 2023, écart qui peut encore traduire des différences d’ancienneté, de diplôme, etc. C’est donc bien dans l’accès des femmes aux mêmes emplois que les hommes que les choses se jouent.

… et le salaire des mères baisse après une naissance, pas celui des pères

On l’a vu, à l’arrivée des enfants, ce sont les mères qui interrompent leur activité professionnelle ou réduisent leur temps de travail, pas les pères. Ces variations de leur offre de travail ont un effet direct sur leur revenu salarial. Mais la naissance des enfants influe aussi sur les salaires horaires ; celui des femmes baisse après chaque naissance, contrairement à celui des pères [Pora et Wilner, 2019; Coudin et al., 2019]. Cet « écart de salaire entre les mères et les pères s’accroît dans les années qui suivent la naissance des enfants. À l’écart immédiat s’ajoutent au fil de la carrière des divergences de choix d’employeurs et/ou d’opportunités professionnelles (mobilités, promotions, etc.) » [Coudin et al., 2020]. En résumé, comme le souligne le titre d’une étude de 2019, le mouvement à l’œuvre en matière d’égalité professionnelle est celui d’« une lente convergence freinée par les maternités » [Meurs et Pora, 2019].

5. Les écarts de montants de retraite se réduisent au fil des générations…

Avec la hausse de leur participation au marché du travail et de leur niveau de qualification, les écarts de montants de retraite entre femmes et hommes ne cessent de se réduire au fil des générations : en 2004, les femmes retraitées résidant en France avaient une pension moyenne de droit direct (y compris majorations pour enfants) inférieure de 50 % à celle des hommes retraités ; en 2022, cet écart est de 38 % [Drees, 2024]. Il est réduit en intégrant les pensions de réversion versées aux veufs et aux veuves : la pension totale des femmes est inférieure de 26 % à celle des hommes en 2022.

… mais restent élevés

Les inégalités de montants de retraite entre femmes et hommes restent toutefois élevées. Elles sont pour l’essentiel un héritage du passé ; les générations les plus âgées aujourd’hui à la retraite ont eu des parcours professionnels très différents de ceux des générations actuellement sur le marché du travail. Les femmes avaient notamment des carrières bien plus courtes et bien moins rémunérées que celles aujourd’hui en activité. Ces écarts sont ainsi appelés à continuer de se réduire dans le futur, sans disparaître totalement [Conseil d’orientation des retraites, 2024].

6. Les femmes continuent de vivre plus longtemps que les hommes…

Depuis le milieu des années 1990, les gains d’espérance de vie des femmes sont plus réduits que ceux des hommes, en lien notamment avec la montée du tabagisme féminin dans les années 1950 [Pison, 2019]. Pour autant, l’espérance de vie à la naissance des femmes demeure nettement supérieure à celle des hommes : 85,6 ans contre 80,0 ans en 2024. L’écart d’espérance de vie, qui était de 8,2 ans du milieu des années 70 au milieu des années 90, s’est ainsi réduit à 5,6 ans.

… mais plus souvent seules en fin de vie et plus souvent dépendantes

Contrepartie de cette longévité plus importante, les femmes sont davantage touchées par le veuvage et se retrouvent beaucoup plus souvent seules chez elles que les hommes : c’est le cas de 53 % des femmes âgées de 85 ans ou plus en 2021, contre 28 % des hommes du même âge [Daguet, 2025]. Les hommes vivent quant à eux majoritairement en couple à domicile jusqu’à des âges avancés : c’est encore le cas de 55 % des hommes âgés de 85 ans ou plus, contre 14 % seulement des femmes aux mêmes âges, soit un écart de 40 points, deux fois plus élevé qu’entre 65 et 84 ans.

La perte d’autonomie aux âges avancés peut se traduire par des entrées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), en particulier pour les personnes seules. Plus fréquemment et plus lourdement dépendantes, mais aussi en raison d’absence d’entraide d’un éventuel conjoint et de problématiques de solitude liées au veuvage, les femmes âgées vivent ainsi plus souvent hors logement ordinaire. Cette situation concerne en 2021 41 % des femmes et 25 % des hommes à 95 ans, contre 3 % des hommes et 4 % des femmes à 80 ans.

7. Les femmes accroissent leur présence dans la vie politique…

À la suite notamment de la loi du 6 juin 2000 relative à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, la parité progresse fortement en politique. Après 80 ans de droit de vote, elle est atteinte – ou quasiment – aux dernières élections européennes (49 % de femmes élues), régionales (49 %) comme départementales (50 % – figure 5). Mais cela n’est pas le cas aux municipales (42 %), en raison d’une législation peu contraignante dans les communes de moins de 1 000 habitants. Aux législatives anticipées de 2024, avec 36 % de députées, la proportion de femmes recule de nouveau par rapport aux législatives de 2022 (208 députées contre 215), qui avaient marqué un premier repli depuis le début des années 2000. La parité est loin d’être atteinte et la part des femmes à l’Assemblée nationale est en 2024 identique à celle au Sénat, instance où elle était auparavant la plus faible. Rappelons cependant que de 1945 à la fin des années 1990, cette proportion était inférieure à 6 % !

… mais occupent des fonctions moins élevées

Les femmes sont certes plus souvent élues que par le passé, mais une fois élues, elles accèdent encore peu aux plus hautes responsabilités. En 2024, les femmes président deux départements sur dix, alors qu’elles représentent la moitié des conseillers départementaux. Administrer une commune est encore peu fréquent pour les femmes (21 % des maires en 2024). Les régions sont un peu plus souvent présidées par des femmes : plus d’un tiers, pour la moitié de femmes parmi les conseillers régionaux. Et l’Assemblée nationale est présidée par une femme depuis 2022.

Figure 5 – Part de femmes parmi les élus locaux et nationaux en 2024

Part de femmes parmi les élus locaux et nationaux en 2024
Lecture : en 2024, 42 % des conseillers municipaux sont des femmes.
Source : répertoire national des élus, actualisé au 31 octobre 2024, Ministère de l’intérieur.

Il n’y a pourtant pas de moindre intérêt des femmes pour la politique. Si la participation électorale dépend de l’âge et du niveau de diplôme des personnes, elle n’est que peu liée au genre. Les seuls écarts de participation entre femmes et hommes concernent les âges extrêmes. Avant 30 ans, les hommes s’abstiennent ainsi systématiquement de voter aux élections présidentielles et législatives plus souvent que les femmes (28 % contre 21 % aux élections de 2022), avec un écart qui s’est accru en vingt ans, tandis qu’après 80 ans, c’est l’inverse (39 % d’abstention systématique des femmes contre 23 % des hommes) [Algava et Bloch, 2022].

8. Les hommes s’investissent davantage que par le passé dans l’éducation des enfants…

Le travail domestique (préparation des repas, courses d’alimentation, lessive) et le temps consacré aux enfants sont inégalement répartis entre les femmes et les hommes, même si entre le milieu des années 1980 et 2010, les inégalités se sont réduites : les hommes s’impliquent davantage dans l’éducation des enfants (environ 20 minutes de plus par jour en moyenne) et les femmes délaissent progressivement les tâches ménagères (près de 70 minutes en moins par jour) au profit du temps passé auprès des enfants (13 minutes de plus par jour). Pour autant, en 2010, les femmes effectuaient les deux tiers des tâches domestiques et consacraient aux enfants un temps équivalent à plus du double de celui des hommes [Champagne et al., 2014].

… mais les femmes sont toujours en première ligne sur le front des tâches domestiques et du temps parental

Les données sur ce sujet sont assez anciennes, dans l’attente de la prochaine édition de l’enquête Emploi du temps que l’Insee réalisera en 2025-2026, mais des travaux spécifiques ont été menés pendant le premier confinement de la population mis en place au printemps 2020, qui les confirment. Pendant le premier confinement, la répartition des temps – travail, tâches ménagères et parentales – a fortement varié [Couprie, 2023]. Pour autant, les femmes ont continué d’assumer la plus grande part des tâches domestiques et parentales, même quand elles travaillaient à l’extérieur. Des ajustements entre femmes et hommes ont certes eu lieu, notamment un investissement accru des hommes en couple avec enfants dont la femme travaillait à l’extérieur durant le confinement. Cependant, ces ajustements de crise ne remettent pas en cause le fonctionnement de la sphère familiale, qui continue de reposer massivement sur des normes de genre et le temps féminin. D’ailleurs, l’analyse conjointe des pratiques domestiques au sein du couple, telles que les personnes les perçoivent, et des stéréotypes de genre, montre que plus les personnes adhèrent à ces stéréotypes, moins elles déclarent un partage égalitaire des tâches [De Champs et Pirus, 2024].

Un meilleur partage des congés autour de la naissance est souvent évoqué comme levier vers une meilleure répartition des tâches domestiques. A cet égard, le recours au congé de paternité parmi les pères éligibles est passé de 68 % en 2013 à 71 % en 2021 [Guedj et Le Pape, 2023] : il s’accroît pour tous sur la période, que les pères soient en emploi stable ou précaire, mais surtout pour les travailleurs indépendants. Toutefois, selon une enquête qualitative menée auprès de pères ayant un enfant né en 2021, à distance de la période du congé de paternité (en 2023), le retour au travail des deux parents marque un tournant vers une asymétrie dans la répartition des tâches ménagères et parentales au sein du couple [Le Pape et al., 2025], parfois résolue par l’externalisation d’une partie d’entre elles. L’investissement domestique des pères se retrouve souvent conditionné à leurs horaires de travail et ils ont tendance à privilégier les activités parentales plaisantes (jeux, lecture, sorties), priorisant un temps « de qualité » avec leur enfant, dans une logique où le temps passé avec lui est contraint par les impératifs professionnels.

Elles sont aussi beaucoup plus souvent à la tête de familles monoparentales

Avec la hausse des séparations, les femmes comme les hommes sont de plus en plus souvent parents de famille monoparentale. Contrairement aux hommes, les femmes reforment moins souvent un couple. En 2021, 1,62 million de femmes et 0,36 million d’hommes résident sans conjoint avec leurs enfants. Cette situation concerne donc très majoritairement des femmes (82 % en 2021).

Elle pose des difficultés organisationnelles spécifiques, dont la gestion du temps parental. Les familles monoparentales avec des enfants de moins de 6 ans font par exemple davantage appel à leurs proches pour prendre en charge leurs jeunes enfants, en particulier les mères seules en emploi dont les enfants n’ont aucun contact avec le père (57 %, contre 34 % des couples où la mère est en emploi) [Le Pape et Virot, 2025]. Les familles monoparentales vivent plus souvent en situation de pauvreté monétaire. Plusieurs études régionales récentes confirment en outre que les femmes basculent plus souvent dans la pauvreté que les hommes l’année qui suit une séparation conjugale [Fontès-Rousseau et Raoui, 2025], [Beaufils et al., 2025], [Oujia et Sanzeri, 2024].

9. Les femmes restent les premières victimes de violences conjugales

En 2023, les services de sécurité ont enregistré 271 000 victimes de violences conjugales, dont 85 % sont des femmes [Matinet, 2022]. Le nombre d’enregistrements de faits de violences conjugales a plus que doublé depuis 2016, dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration des conditions d’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie. Ces déclarations ne recouvrent qu’une partie des actes : seules 14 % des personnes ayant subi des violences conjugales déclarent avoir porté plainte auprès des services de police ou gendarmerie, selon l’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité 2022 (16 % pour les femmes).

En 2023, les femmes représentent 81 % des morts violentes au sein du couple (96 féminicides) et 87 % des victimes de harcèlement par (ex-)conjoint ayant conduit au suicide ou à sa tentative (773 femmes sur 890 victimes enregistrées par les services de sécurité) [Miprof, 2024].

D’après les enquêtes sur les violences subies tout au long de la vie, comme l’enquête Genese du SSMSI, les femmes sont aussi les premières concernées. Ainsi, en 2021, 27 % des femmes et 19 % des hommes âgés de 18 à 74 ans déclarent avoir subi au moins une fois depuis l’âge de 15 ans des violences psychologiques (contrôle, emprise, harcèlement moral, intimidation, menaces) par partenaire [Guedj et Zilloniz, 2022]. Les violences physiques ou sexuelles sont plus rares mais les écarts entre hommes et femmes encore plus marqués : 16 % des femmes déclarent en avoir été victimes au moins une fois depuis l’âge de 15 ans contre 6 % des hommes. Les femmes sont également davantage exposées aux violences pendant l’enfance : en 2021, 21 % des femmes et 17 % des hommes déclarent avoir subi une violence intrafamiliale avant l’âge de 15 ans (psychologique, physique ou sexuelle).

10. Le regard de la société sur la place des femmes a bien évolué en cinquante ans, mais les stéréotypes ont la vie dure

En 1979, les deux tiers des personnes estimaient que le travail des femmes n’était pas forcément souhaitable. En 2020, la place des femmes sur le marché du travail fait bien plus largement consensus : huit sur dix, femmes ou hommes, estiment que les femmes devraient pouvoir travailler dès lors qu’elles le désirent, ou qu’elles devraient toujours travailler [Insee, 2022]. D’ailleurs une majorité de Français rejette les stéréotypes de genre, selon une évaluation menée entre 2020 et 2022 à partir d’un éventail d’opinions [De Champs et Pirus, 2024]. Toutefois, une personne sur quatre y adhère et une sur cinq se situe dans une position ambivalente.

Certains stéréotypes n’ont plus tellement cours. Ainsi, l’idée que les filles ont autant l’esprit scientifique que les garçons est largement partagée (figure 6). D’autres sont au contraire encore très présents : une majorité de personnes pensent que les mères savent mieux répondre aux attentes et besoins des enfants que les pères. De façon générale, les représentations stéréotypées liées à une plus grande aptitude des femmes pour les soins apportés aux autres sont celles qui reçoivent le plus d’adhésion.

Figure 6 – Opinion vis-à-vis de cinq stéréotypes de genre

Opinion vis-à-vis de cinq stéréotypes de genre
Lecture : sur la période 2020-2022, 42 % des personnes sont tout à fait d’accord ou plutôt d’accord avec l’idée que les femmes font de meilleures infirmières que les hommes.
Champ : France métropolitaine, personnes âgées de 18 ans ou plus.
Source : Drees, Baromètre d’opinion 2020-2022 ; Études et Résultats n° 1294, Drees, février 2024.

Les points de vue ne sont en outre pas partagés de manière homogène dans la population. Les hommes sont ainsi surreprésentés parmi les personnes qui adhèrent fortement aux stéréotypes de genre (à au moins 4 stéréotypes sur 5), de même que les immigrés, les personnes âgées de 65 ans ou plus et les moins diplômées. Enfin, la pratique religieuse est un facteur déterminant d’adhésion à ces stéréotypes.

Bref, les stéréotypes et représentations ont encore la vie dure. Est-ce un reflet de ces représentations ? Les femmes lisent plus et les goûts des jeunes en matière de lecture en 2018 restent clivés : davantage de mangas, BD, comics pour les jeunes hommes, ainsi que des livres de sciences, histoire, essais, tandis que les jeunes femmes lisent davantage de littérature, de romans sentimentaux ou de livres de psychologie [Berthommier et al., 2025]. Au tournant des années 2020, les femmes vont aussi plus souvent au cinéma ou au théâtre, mais font moins de sport que les hommes.

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