Coiffeurs, avocats, chauffeurs VTC, exploitants agricoles…
Un même statut d’indépendant, des réalités économiques et sociales disparates

Temps de lecture : 4 minutes
Mickaël Bardet et Guilhem Théron, Insee

Ils sont avocats, chauffeurs VTC, coiffeurs, exploitants agricoles, médecins, restaurateurs… Ils ont en commun d’exercer une activité non salariée, parfois en complément d’une activité salariée, d’être en moyenne plus âgés que les salariés et d’être plus souvent des hommes. Leur régime de protection sociale n’est cependant pas unique, leurs revenus s’étendent du bas au haut de l’échelle et leur indépendance économique n’en a parfois que le nom. Petite visite guidée des non-salariés.

Certains nous nourrissent, nous soignent, défendent nos droits ou construisent nos logements. D’autres nous assurent, nous livrent à vélo, nous transportent, coupent nos cheveux. Ce sont les indépendants et l’Insee vient de leur consacrer tout un ouvrage, « Emploi et revenus des indépendants ».

En France (hors Mayotte), 3,2 millions de personnes exercent une activité non salariée fin 2017. Près de 90 % d’entre elles le font à titre principal, les autres en complément d’une activité salariée. 444 000 travaillent dans l’agriculture. Dans les autres secteurs, les non-salariés représentent 10 % des personnes en emploi. Un chiffre qui varie du simple au triple entre les Hauts-de-Seine, 6 % à peine, et les Hautes‑Alpes, 19 %.
Le non-salarié est en moyenne plus âgé que le salarié. Il est plus souvent un homme qu’une femme : hors agriculture, les femmes ne sont que 37 %, alors qu’elles comptent pour 49 % des salariés.

Les indépendants sont davantage présents dans les activités où les petites et moyennes entreprises sont nombreuses et où la relation de proximité est privilégiée. Ils ont de ce fait des secteurs de prédilection : hors agriculture, 49 % des non‑salariés exercent dans le commerce et l’artisanat commercial, la santé et l’action sociale et la construction, alors que ces secteurs ne rassemblent que 36 % des salariés du privé.

Au début de la décennie, le nombre de non‑salariés a fortement progressé (hors agriculture), avant de quasiment stagner entre 2013 et 2017. En 2017, les non-salariés sont un tiers de plus qu’en 2008. Ce dynamisme s’explique par le succès du statut d’auto‑entrepreneur, créé en 2009 et requalifié de micro‑entrepreneur en 2014. Fin 2017, un non‑salarié sur trois (hors agriculture) est un micro‑entrepreneur économiquement actif, soit 928 000 personnes. Ils sont très présents dans les activités de livraison à domicile, le commerce de détail hors magasin (essentiellement sur les marchés) ou dans certains services aux particuliers comme les activités récréatives. Trois micro‑entrepreneurs sur dix cumulent leur activité non salariée avec un emploi salarié, contre un non‑salarié classique (c’est-à-dire hors micro-entrepreneurs) sur dix.

Des revenus très disparates

Hors agriculture, les non‑salariés classiques gagnent en moyenne 3 580 euros par mois en 2017, soit 10 % de plus qu’en 2013, en euros constants. Mais d’une profession à l’autre, les écarts peuvent être très importants : entre un chauffeur de taxi et un médecin spécialiste, les revenus moyens varient de 1 à 8.

Les micro‑entrepreneurs gagnent en moyenne 470 euros par mois en 2017, avec peu de différences selon les secteurs. Pour eux, l’activité non salariée constitue souvent une activité d’appoint.

Les revenus d’activité sont plus dispersés et plus concentrés parmi les non‑salariés que parmi les salariés du privé. Ainsi, parmi les non‑salariés classiques, hors agriculture et hors revenus nuls, la moitié la moins rémunérée ne concentre que 16 % des revenus (contre 29 % pour les salariés), tandis que les 10 % les mieux payés en concentrent à eux seuls 40 % (contre 27 % pour les salariés).

Dans le secteur agricole, les non-salariés gagnent en moyenne 1 410 euros par mois en 2017 : 1 650 euros pour ceux imposés au régime réel contre 560 euros mensuels pour les bénéficiaires du régime du micro-bénéfice agricole.

Effectifs et revenus dans les principaux secteurs d’activité des non-salariés en 2017, hors agriculture

(cliquer sur le graphique pour l’agrandir)

Source : Insee, base non salariés 2017

Les indépendants, témoins des transformations du travail

Le travail indépendant se trouve au cœur de nombreux débats sur l’avenir du travail et de la protection sociale. Ces débats, souvent centrés autour de la figure emblématique des micro‑entrepreneurs des plateformes collaboratives, questionnent les situations de travail indépendant en raison du développement des zones grises entre salariat et non‑salariat et de la tendance à l’hybridation de ces deux statuts. Ils interrogent la pertinence du critère de subordination juridique, qui reste structurant pour distinguer les salariés des travailleurs indépendants.

Le brouillage des statuts interroge directement la construction des droits sociaux, qui diffèrent selon le statut occupé. L’amélioration des droits sociaux les moins bien couverts des travailleurs indépendants, notamment ceux à faibles revenus, devient un enjeu. Les requalifications de situations d’indépendance en salariat, opérées par certaines juridictions, règlent une partie des questions, pour ceux qui en bénéficient. Les dispositifs publics tendent à homogénéiser l’espace de travail en cherchant à limiter les coûts sociaux des changements de statuts. L’ouverture récente de droits de chômage aux indépendants – limités cependant – en donne une illustration, de même que les incitations à la responsabilité sociale des opérateurs des plateformes.

Les transitions entre statuts d’activité sont en effet fréquentes au cours d’une carrière : parmi les actifs qui deviennent non-salariés une année donnée, plus de 4 sur 5 ont été salariés par le passé. Le travail indépendant offre ainsi un observatoire privilégié des transformations en cours du travail.

Pour en savoir plus :

« Emploi et revenus des indépendants », Insee références, 2020.

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