
Par internet, par téléphone, à domicile : comment répond-on aux enquêtes de l’Insee ?
Pour la réalisation de ses enquêtes auprès des particuliers, l’Insee offre la possibilité de répondre par internet depuis plusieurs années, ce qui donne plus de souplesse aux répondants. Cependant, ce mode ne convenant pas à tous, il est nécessaire de le combiner avec d’autres modes de réponse, comme l’enquête par téléphone ou au domicile. C’est ce que l’on appelle des enquêtes multimodes. Plusieurs enquêtes suivent déjà ce type de protocole : citons notamment l’enquête Emploi en continu, qui a lieu tous les trimestres et permet pour ses réinterrogations une réponse par téléphone ou internet, et l’enquête Logement réalisée en 2023 et 2024, pour laquelle la réponse était successivement possible par internet, par téléphone puis au domicile avec un enquêteur.
Pour ces deux enquêtes, la réponse par internet représente une part élevée. Ce mode de collecte attire une large partie des personnes enquêtées. Il permet d’atteindre des taux de réponse plus élevés à un coût plus faible. Mais il demande la mise en place d’une organisation logistique plus complexe pour la collecte des enquêtes et de méthodes plus sophistiquées pour l’exploitation des données collectées.
L’Insee réalise de nombreuses enquêtes auprès de la population française pour collecter de l’information précise sur les conditions d’emploi, de logement et de vie. Ces enquêtes étaient historiquement menées en face-à-face, avec le déplacement d’un enquêteur de l’Insee au domicile du foyer enquêté. En effet, l’Insee dispose d’un réseau de près de huit cents enquêtrices et enquêteurs résidant sur l’ensemble du territoire français, hexagonal et ultramarin. Le recours à un réseau professionnel permanent permet de collecter des informations de qualité sur des sujets complexes, les enquêteurs étant formés à chaque enquête. Même s’ils restent plus élevés en France que dans beaucoup d’autres pays comparables, les taux de participation aux enquêtes ont néanmoins tendance à diminuer [de Leeuw E. et al., 2018].
Pour y remédier, depuis plusieurs années, l’Institut est engagé dans une démarche de modernisation de ses enquêtes, consistant à offrir plusieurs façons de répondre aux enquêtes, que l’on appelle usuellement modes de réponse. En plus du face-à-face, les principaux modes utilisés sont la réponse par internet et par téléphone. Le questionnaire papier est plus rarement utilisé, mais il reste un mode de collecte important pour le recensement de la population. Même si cela peut paraître paradoxal, le papier est encore largement utilisé pour l’enquête sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), car il permet justement aux personnes moins à l’aise avec ces technologies de répondre à l’enquête.
Internet, pour répondre de façon sécurisée au moment qui convient le mieux
Offrir à tous la possibilité de répondre par Internet à ses enquêtes est une démarche importante de l’Insee. Elle permet à chacun de répondre au moment qui lui convient le mieux, sur son ordinateur personnel ou par smartphone, sans être dérangé. En effet, les individus sollicités pour répondre à une enquête par internet répondent souvent durant les week-ends et au-delà de 20 h (figure 1). La majorité des répondants aux enquêtes en ligne de l’Insee indiquent apprécier pouvoir répondre à l’heure de leur choix. Le recours à Internet permet également de contenir les coûts de collecte, car cet outil de collecte n’implique pas de déplacements et présente un temps de collecte plus faible, ce qui permet de réaliser plus d’opérations. Cette évolution s’accompagne du développement en interne à l’Insee d’une gamme d’outils sécurisés de gestion de questionnaires.
Figure 1 – Répartition des horaires de réponse à un questionnaire en ligne

Champ : France métropolitaine, individus de 18 à 79 ans répondants à l’enquête en ligne.
Sources : Insee, enquête méthodologique Cadre de Vie (2023 – 2024).
Le développement de la collecte par internet présente ainsi des enjeux techniques et organisationnels pour assurer que la collecte des données se passe au mieux, qu’elle soit sécurisée et que les enquêtés soient confiants dans le sérieux de l’opération. Pour cela, l’Insee informe toujours les personnes concernées par une enquête, que celle-ci soit en ligne ou non, par un courrier postal officiel, identifié par la Marianne conformément à la charte graphique de la marque de l’État. Ce courrier détaille les conditions de réalisation de l’enquête et les modalités mises en œuvre pour protéger les données collectées, dans le respect des règles européennes de protection des données (Règlement Général sur la Protection des Données – RGPD) et en accord avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) [Lefebvre, 2025]. Chaque ménage enquêté dispose d’un identifiant qui lui est propre et se connecte à l’interface de questionnaire avec un mot de passe qu’il doit modifier lors de sa première connexion pour assurer une protection complète des réponses. Les données collectées sont sauvegardées sur des serveurs sécurisés, de manière anonyme, et les agents pouvant y accéder sont soumis au secret statistique et au secret professionnel. Enfin, des chargés d’orientation du service d’assistance Insee Contact sont disponibles pour répondre aux questions des personnes enquêtées, et notamment confirmer que l’enquête est bien réalisée par l’Insee. En cas de doute, les enquêtés peuvent les contacter.
La nécessité d’offrir des modes de réponse alternatifs à internet
Les enquêtes par internet ne peuvent pas pour autant constituer l’unique façon de collecter de l’information pour l’Insee. Plusieurs études ont montré que les enquêtes par internet permettent une réponse plus libre à certains sujets sensibles, mais elles entraînent aussi souvent une plus faible attention des répondants. Elles ne sont donc pas forcément adaptées pour présenter des concepts complexes ou des questionnements trop longs. Par ailleurs, même si l’équipement de la population et l’usage d’Internet progressent (9 personnes de 15 ans ou plus sur 10 ont utilisé Internet ces trois derniers mois), une partie non négligeable de la population ne peut pas ou ne souhaite pas répondre à des enquêtes en ligne.
La façon de répondre aux questions et les spécificités des répondants de chaque mode constituent ce qu’on appelle des effets de mode, qu’il faut analyser pour ne pas fausser les résultats [Beck et alii, 2022]. Pour éviter certains de ces problèmes et notamment assurer à chacun de répondre aux enquêtes de l’Insee même sans être à l’aise avec l’outil numérique, l’approche retenue est de combiner différents modes et de réaliser ainsi des enquêtes multimode. Cette évolution offre de nombreux avantages mais rend plus complexe la réalisation des enquêtes [Sigaud et Werquin, 2022].
Le multimode séquentiel favorise des taux de réponse plus élevés qu’avec un seul mode de collecte
Une première méthode mise en œuvre est d’offrir plusieurs modes de réponse, en les présentant les uns après les autres, de façon à offrir au fil de la collecte la possibilité à chacun de choisir la façon de répondre qui lui convient le mieux. Cette méthode est facile à comprendre pour le répondant ; mais elle nécessite un gros effort d’organisation et surtout une durée de collecte relativement longue, car il faut laisser le temps à l’enquêté de répondre dans chacun des modes. Généralement, le mode le moins complexe et le moins coûteux, souvent le questionnaire web, est proposé en premier. L’enquête Logement 2023 – 2024 a suivi un tel protocole : l’Insee a ainsi invité les 27 300 ménages sélectionnés pour l’enquête à répondre par internet, puis par téléphone pour les non répondants, et enfin en face-à-face pour ceux qui n’ont pas répondu précédemment.
Dans ces méthodes, les personnes enquêtées ne sont pas nécessairement informées de l’ensemble des modes qui leur seront proposés. En tout état de cause, les ménages se sentant les plus concernés par le thème de l’enquête répondront plus souvent en utilisant le premier mode proposé. Dans l’enquête Logement, les propriétaires des logements sont ainsi plus nombreux à répondre lors des premières phases internet et téléphone de l’enquête. Le rôle de l’enquêteur lors de la dernière étape au domicile des enquêtés est alors primordial : pour assurer la représentativité de l’enquête et sa qualité, il doit convaincre des individus, aux profils différents de ceux qui ont répondu spontanément, de participer tout de même à l’enquête, même s’ils se sentent moins concernés. Cette complexification du travail de l’enquêteur est prise en compte dans sa charge de travail, et la qualité de son travail est une part déterminante de la qualité de l’enquête.
La longueur du questionnaire est un facteur important à prendre en compte. En effet, les enquêtes de l’Insee ont des durées variables, selon les thématiques abordées mais aussi selon la situation de la personne répondant à l’enquête. Les bonnes pratiques d’enquête conduisent également à adapter la durée du questionnaire au mode selon lequel il est proposé : il peut être relativement plus long en face-à-face, tandis qu’il doit rester relativement court pour un questionnaire en ligne ou par téléphone.
Ainsi, pour l’enquête Logement, la durée totale du questionnaire a été jugée trop longue pour une passation par internet et par téléphone en une seule fois : le questionnaire a donc été découpé en trois séquences de vingt à trente minutes proposées indépendamment pour ces deux modes.
Si ce découpage permet de proposer des questionnaires d’une durée raisonnable, il peut néanmoins conduire certains individus à ne pas répondre à toutes les séquences du questionnaire : le choix des questions posées dans la première séquence est alors crucial, car ce sont celles pour lesquelles les responsables de l’enquête obtiendront le plus de réponses. Des réflexions méthodologiques sur ce sujet sont encore en cours à l’Insee pour améliorer ces protocoles.
Le taux de réponse à l’enquête Logement 2023-2024 dans le cadre de la collecte multimode séquentielle s’élève ainsi à 80 % pour la première séquence qui concentre les questions centrales de l’enquête et à 69 % pour l’ensemble des trois séquences (figure 2) : pour la première séquence, cela représente 12 points de plus qu’une enquête classique réalisée en face-à-face à des fins de comparaison au même moment et sur le même thème ; pour le questionnaire complet, le taux de réponse en multimode est très légèrement supérieur à celui obtenu en face-à-face uniquement. Cette augmentation du taux de réponse (ou sa stabilité), combinée à une répartition des répondants entre différents modes, permet d’allier une meilleure qualité et représentativité de l’enquête à un coût plus faible. En effet, plus de 40 % des réponses ont été obtenues sans intervention d’un enquêteur, plus de 70 % sans qu’un enquêteur doive se déplacer physiquement au domicile du ménage sélectionné. Cette baisse des coûts améliore la productivité de l’institut, ce qui permet à l’Insee de respecter les contraintes budgétaires et/ou de renouveler plus souvent ses enquêtes, améliorant ainsi la fraîcheur des statistiques sur les différents sujets, mais aussi de diversifier les sujets abordés.
Figure 2 – Taux de réponse à l’enquête Logement 2023-2024, selon le protocole de collecte

Champ : France métropolitaine, ménages enquêtés pour l’enquête Logement 2023-2024.
Sources : Insee, enquête Logement (2023-2024).
Le multimode concurrentiel permet de choisir comment répondre et permet de gérer des collectes courtes
Pour des enquêtes dont la durée de collecte est plus courte, notamment s’il faut obtenir rapidement de l’information sur des événements, il est recommandé de proposer simultanément plusieurs modes de réponse. Dans cette approche, les individus peuvent choisir en toute connaissance de cause le mode qui leur convient le mieux. Visant à calculer des informations conjoncturelles sur le marché du travail comme le taux de chômage, l’enquête Emploi en Continu est une des premières grandes enquêtes à réaliser des collectes en utilisant ce protocole depuis 2021 [Garnero, 2019 ; Insee, 2023]. Après une première interrogation réalisée en face-à-face, les individus enquêtés sont invités chaque trimestre qui suit, pendant 5 trimestres, à répondre dans une plage de temps réduite soit par internet, soit par téléphone auprès d’un enquêteur.
L’enquête s’adresse à chacune des personnes de plus de 15 ans habitant dans le logement, mais il est possible qu’une personne (qualifié de proxy) réponde pour une autre. Ce recours au proxy, fréquent pour les personnes les plus jeunes, peut conduire à des déclarations moins précises. Or la part de questionnaires adressés à un jeune adulte de 15 à 29 ans finalement remplis par une autre personne est nettement inférieure par internet (25 % des questionnaires) qu’au téléphone (60 %). Le multimode améliore en conséquence la pertinence des données collectées.
Dans l’enquête Emploi en continu, les personnes plus âgées qui répondent à l’enquête choisissent moins souvent le mode de réponse par internet (figure 3). C’est également le cas des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Les personnes en emploi utilisent en revanche plus souvent internet pour répondre à l’enquête, possiblement pour pouvoir répondre en dehors de leurs horaires de travail comme de ceux des enquêteurs. L’inclusion de ce mode de réponse facilite ainsi le recueil d’information sur les personnes peu disponibles à leur domicile en journée, pourtant essentielles pour la bonne couverture de l’enquête.
Figure 3 – Répartition par mode des individus répondant à l’enquête Emploi en Continu en réinterrogation

Lecture : en moyenne, en 2021, 43,3 % des 15-24 ans en ré-interrogation répondent sur internet.
Champ : personnes âgées de 15 à 89 ans vivant en logement ordinaire dont c’est la résidence principale. On prend en compte uniquement les personnes en ré-interrogation. Les ménages d’inactifs de 65 ans ou plus ou handicapés sont exclus, car ils ne sont pas réinterrogés.
Source : Insee, enquête Emploi en Continu 2021.
Par ailleurs, l’enquête étant répétée cinq fois avec ce protocole en réinterrogation, une majorité des personnes conservent le même mode de réponse lors de l’ensemble de ces interrogations : c’est le cas de 60 % de celles ayant choisi le mode téléphonique et 57 % de celles ayant répondu par internet, un chiffre dix fois plus important que si chacun choisissait aléatoirement son mode de réponse à chaque interrogation. Ce résultat suggère donc que le choix du mode relève souvent d’une décision de chaque personne de privilégier celui qui lui convient le mieux.
La part de répondants par internet augmente chaque trimestre depuis le déploiement de ce protocole en 2021 (figure 4). La qualité des données récoltées est suivie régulièrement : à cette fin, les individus rencontrant des difficultés pour remplir le questionnaire en ligne sont interrogés en priorité par téléphone le trimestre suivant. Cette nouvelle méthode permet ainsi de collecter à moindre coût des données cruciales pour la bonne connaissance du marché du travail, sans sacrifier la bonne représentativité de l’ensemble de la population française.
Figure 4 – Évolution du taux de réponse par Internet à l’enquête Emploi en Continu en réinterrogation

Champ : France entière (y compris Mayotte depuis 2024), logements enquêtés pour la deuxième à la sixième interrogation de l’enquête Emploi en Continu.
Source : Insee, enquête Emploi en Continu 2021 à 2024.
Fort de ces expériences, l’Insee poursuit cette trajectoire de diversification des modes de réponse proposés aux personnes enquêtées. Ainsi, dans les prochains mois, des applications et des sites web dédiés seront proposés aux ménages qui participeront aux enquêtes Budget de Famille et Emploi du Temps, afin de simplifier le recueil de leurs dépenses et de leurs activités quotidiennes. Enfin, au-delà de la collecte par internet, l’institut propose également de nouveaux outils pour des collectes auprès de populations spécifiques telles que les personnes sans domicile fréquentant des services d’aide.
Pour en savoir plus
- Lefebvre O., 2025, « Comment l’Insee protège-t-il les données qu’il collecte ? », Blog de l’Insee, avril
- Insee, 2023, « La refonte de l’enquête Emploi (2017-2021) », Documents de travail, n° 2023-22, octobre
- Beck F., Castell L., Legleye S., Schreiber A., 2022, « Le multimode dans les enquêtes auprès des ménages : une collecte modernisée, un processus complexifié », Courrier des Statistiques n° 7, janvier
- Sigaud E. et Werquin B., 2022, « La mise en musique d’enquêtes multimode », Courrier des Statistiques n° 7, janvier
- Eurostat, 2021, Position Paper on Mixed-Mode Data Collection in Household Surveys
- Insee, rubrique Sources :
- Garnero M., 2019, « Le projet Muse : 5 ans d’expérimentations pour préparer l’introduction d’Internet dans l’enquête Emploi », Documents de travail, n° F1907, décembre
- de Leeuw E., Hox J. & Luiten A., 2018, International Nonresponse Trends across Countries and Years: An analysis of 36 years of Labour Force Survey data. Survey Insights: Methods from the Field