Les interactions au sein de l’économie  à la loupe : le modèle Avionic

Les interactions au sein de l’économie à la loupe : le modèle Avionic


L’Insee vient de mettre en ligne le code de son modèle Avionic. Outil d’analyse des interdépendances sectorielles nationales et internationales, il est fondé sur le tableau entrées-sorties des comptes nationaux. Ces interdépendances vont jouer un grand rôle dans la dynamique de la reprise économique. Ce type d’outil peut aussi servir à des analyses plus structurelles. C’est ainsi que l’Insee l’avait déjà mobilisé en 2019 pour évaluer la part du « made in France » dans la consommation des ménages.

« Lorsque le bâtiment va, tout va ». Cet adage ne traduit pas tant que la construction est à l’origine de la bonne santé d’une économie mais le fait que l’activité des uns entraîne celle des autres. L’activité économique est en effet tissée d’interdépendances, via les filières, ou les chaînes d’approvisionnement. Ces interdépendances se traduisent par des multiplicateurs de croissance et d’emploi en période de relance économique, ou à l’inverse par des menaces en cascade sur les filières en période de contractions. Elles sont à la fois nationales et mondiales car les produits que nous consommons, ou dans lesquels nous investissons intègrent des composants provenant de divers pays : on parle de chaînes de valeurs mondiales.

Un modèle désormais ouvert à tous

Ces interdépendances sont quantifiées par les comptes nationaux au sein du tableau de synthèse des entrées-sorties (TES), qui présente, pour chaque produit les équilibres entre les ressources et les emplois : production et importations du côté des ressources, consommations intermédiaires, consommations finales, variations de stock et exportations du côté des emplois. Ce tableau inclut une information précieuse, le tableau des « entrées intermédiaires » de l’économie (TEI), c’est-à-dire les consommations intermédiaires de chaque branche de l’économie en chaque produit. TEI et TES sont construits par confrontation et mise en cohérence de nombreuses sources statistiques. Cette richesse d’informations est exploitable au sein de modélisations dites « entrées-sorties » développées par Wassily Leontief dans les années 30.

L’Insee a depuis longtemps utilisé ces données et les modélisations associées. Il a notamment conçu le modèle Avatar dans les années 70, et plus récemment évalué les contenus en CO2 de la production et de la consommation. En 2019, il a mis en service le modèle Avionic (Analyse variantielle Input/Output nationale en importations et en contenus) qui propose plusieurs types de modélisations et innove en intégrant des informations nouvelles comme les TES inter-pays qui sont une version généralisée et mise en cohérence des TES de plusieurs pays (Bourgeois et Briand, 2019a). L’Insee vient d’en ouvrir l’accès le 9 juillet , dans un souci de transparence et de reproductibilité des résultats.

Cette ouverture des programmes s’accompagne d’une diffusion de résultats standard issus du modèle et directement utilisables à des fins d’études ou d’analyses, en particulier des séries sur la période 2010-2018.

Avionic pour analyser la crise sanitaire

L’une des premières utilisations d’Avionic a été d’analyser comment se répercutait sur les ménages un choc d’offre purement sectoriel, en l’occurrence une hausse des prix de l’électricité (Briand et Oparowski, 2019).

La crise sanitaire de 2020 a constitué un choc généralisé de bien plus grande ampleur, combinant chocs d’offre et/ou de demande, avec des spécificités sectorielles marquées. Le modèle Avionic a été adapté par les économistes de l’Insee pour contribuer au diagnostic conjoncturel dans cette période sans précédent, en tenant compte de cette imbrication des facteurs d’offre de demande. En particulier, Avionic a été utile pour préciser les effets du choc de demande, constitué par la contraction de la consommation liée au confinement (achats automobiles, dépenses de cafés-restaurants et loisirs, etc.) sur les secteurs qui en dépendent (sous-traitance, services, etc. ). Ces derniers sont à la fois contraints dans leur capacité de production mais aussi dans leurs débouchés en raison de leurs interactions avec le reste de l’économie.

À la poursuite des chaînes de valeurs et de l’identification du « made in France »

À côté de l’évaluation des effets de chocs, ce type de modèle est mobilisable de manière plus structurelle : il permet de décrire les chaînes de valeurs et l’imbrication des économies des différents pays, via le canal des échanges extérieurs. Dans cette optique, deux approches sont possibles pour attribuer la création de valeur ajoutée au cours du processus de production :

  1. Une approche qui respecte les statistiques des douanes, c’est-à-dire qui identifie le dernier pays d’importation du produit (ou de ses composantes) avant d’arriver en France et qui attribue donc à ce pays l’ensemble de sa valeur ajoutée de ce produit ;
  2. Un calcul qui identifie finement la contribution de chaque pays à chaque étape du processus de production du produit, quel que soit son positionnement au sein de ce processus ; et qui rend donc complètement compte de la fragmentation internationale des chaînes de valeur.

Ces deux approches ont chacune leur logique propre et leur intérêt en matière d’analyse.

L’Insee s’était appuyé sur la première approche pour analyser en 2019 la consommation des ménages en « made in France » (Bourgeois et Briand, 2019b). S’il continue de représenter 80 % de cette consommation totale, le made in France ne représente que 36 % de leur consommation de produits manufacturés. La plupart des tableaux produits pour cette publication ont été actualisés jusqu’en 2018 et présentés en série dans les tableaux de diffusion d’Avionic diffusés le 9 juillet 2020.

Avionic se présente ainsi comme un socle à partir duquel de multiples variantes et analyses sont possibles. L’ouverture de son code doit permettre de capitaliser les cas d’usage et leurs adaptations dans une perspective d’enrichissement collectif des savoirs.

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