Les nouveaux flux de déménagements depuis la Covid : le recensement et les autres sources racontent-ils la même histoire ?

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Isabelle Kabla-Langlois, Insee.
Les nouveaux flux de déménagements depuis le Covid : le recensement et les autres sources racontent-ils la même histoire ?
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Les recensements de la population permettent d’appréhender les mobilités résidentielles à un niveau territorial fin et de caractériser les personnes qui changent de résidence. En complément, des données alternatives fournissent une information fraîche sur les inflexions récentes, ce qui s’avère particulièrement instructif lorsque ces mobilités sont susceptibles d’être fortement influencées par des phénomènes tels que la crise de la Covid-19 ou le développement du télétravail. Il s’agit de données de gestion administrative telles que les contrats de réexpédition proposés par La Poste, les immatriculations de véhicules, les inscriptions scolaires, ou encore les déclarations sociales à l’Urssaf. Malgré les limites qu’elles présentent dans leur pertinence pour une analyse des déménagements, elles concordent sur le fait que les tendances de départ des grandes métropoles et de l’aire parisienne vers des villes plus petites et moins proches des cœurs urbains, prévalant avant la crise sanitaire, se sont accentuées entre 2019 et 2021.

En France, chaque année, un résident sur dix change de logement. Lorsqu’elles déménagent, deux personnes sur trois s’installent à proximité de leur précédent lieu de résidence, dans la même commune ou le même département (Brutel, 2023 ; CGET, 2019). Les mobilités à plus longue distance n’en ont pas moins une influence sur les territoires, et contribuent parfois de façon significative à la dynamique démographique locale. En particulier, avant même la pandémie de Covid, l’Île-de-France accusait un déficit migratoire annuel de 60 000 personnes environ. Les flux avec l’étranger sont positifs mais le déficit avec les autres régions françaises représente de l’ordre de 100 000 habitants, avec 240 000 départs annuels pour 140 000 personnes arrivées : c’est que le gain moyen en surface de ces déménagements hors de l’Île-de-France est élevé, de 18 m² (Dubujet et alii, 2022). Nombre de communes franciliennes, impactées par ces départs, ne doivent la croissance de leur population qu’au surplus de naissances sur les décès.

Les mobilités résidentielles sont principalement appréhendées à partir des recensements de la population, qui permettent des analyses territoriales fines, au niveau de chaque commune, assorties d’informations sur les caractéristiques des personnes qui changent de résidence : âge, type de ménage, information sur l’emploi, etc. Des données robustes couvrant chaque commune ne sont cependant disponibles qu’avec un délai de 3 ans par rapport à la période couverte. Des données alternatives, plus rapidement exploitables, si possible en temps réel, peuvent donc s’avérer précieuses pour capter les tendances en cours.

Ce billet de blog décrit ce que sont ces sources alternatives, ce qu’elles apportent pour interroger de manière précoce les flux de mobilités résidentielles, mais aussi les limites inhérentes à ces données. Nous y présentons aussi quelques résultats d’intérêt obtenus à partir de ces sources dans divers travaux récents de la statistique publique, notamment de l’Insee, publiés en 2022 ou 2023, que nous mettons en regard d’un travail récent réalisé à partir d’une exploitation de l’enquête annuelle du recensement 2022.

Appréhender les dynamiques migratoires en temps réel pour analyser, décider et évaluer

Les migrations résidentielles intéressent nombre d’acteurs publics, en particulier les collectivités territoriales, tout comme différents acteurs privés. Les décisions relatives à l’habitat, au transport, à l’éducation, à l’implantation d’infrastructures diverses, gagnent à une connaissance à la fois rapide et finement territorialisée des mouvements à l’œuvre. L’accès aux informations les plus récentes contribue à nourrir tout autant des décisions ponctuelles ou réversibles, telles que les ouvertures de classes dans un établissement, que des choix d’investissement structurants sur le long cours, tels que la création d’une nouvelle maison de retraite. De fait, le recensement permet d’avoir une connaissance de type structurel sur la population d’un territoire et de disposer de données solides sur le nombre de déménagements, reflétant les tendances de moyen terme. Mais disposer également d’une information fraîche sur les inflexions les plus récentes permet encore mieux d’anticiper, d’éclairer une vision prospective, de nourrir des décisions complexes. Réciproquement, les investissements que consentent les pouvoirs publics dans les transports ou dans le développement de quartiers d’habitation jouent sur l’attractivité des territoires et les arrivées. Aussi, des dispositifs de mesure précoce des déménagements sont intéressants pour produire des premières études d’impact de projet d’investissement, qui peuvent ensuite être affinées avec les données du recensement.

Le besoin de données fraîches s’est particulièrement accentué sur les dernières années, alors que de nouveaux phénomènes ont été évoqués, dont il s’agit de valider l’existence, de mesurer l’ampleur et d’évaluer la persistance sur la durée. La crise de la Covid, et en corollaire le développement du télétravail, ont amené de nombreux témoignages et informations qualitatives sur des déménagements hors des grandes villes, en direction de lieux moins urbanisés et de zones naturelles, notamment en plus grande proximité des littoraux ou des zones de montagne. La mobilisation des données les plus récentes reliées aux déménagements peut permettre d’approcher plus systématiquement et quantitativement ces phénomènes.

À l’heure du numérique, les dispositifs de gestion administrative sont des ressources en données souvent majeures, compléments ou substituts de données d’enquête, qui ont l’intérêt de pouvoir être relativement vite mobilisables. C’est à de tels dispositifs que l’Insee a rapidement songé pour disposer d’indicateurs avancés sur les mobilités.

Des indicateurs avancés sur les migrations résidentielles

Une étude multisources de l’institut a été publiée en mars 2023, portant sur les flux migratoires au cœur de la crise sanitaire puis à l’heure de sa décrue (Kabla-Langlois I., Martin J.-P. et alii, 2023). Elle s’appuie sur de telles données avancées de nature très variée : issues des demandes de réexpédition de courrier adressées à La Poste, des immatriculations de véhicules, des inscriptions scolaires, des déclarations sociales à l’Urssaf. À partir de ces données qui constituent un faisceau d’indices avancés sur les déménagements, l’étude analyse comment ont tendu à évoluer récemment les migrations résidentielles, jusqu’à celles intervenues trois mois plus tôt, en décembre 2022. Il convient de citer aussi plusieurs travaux monosources tels que ceux conduits par la Dares ou par les services statistiques national et académiques du ministère de l’Éducation nationale, en 2022, sans oublier une grande étude nationale réalisée dans le cadre du programme de recherche « POPSU-Territoire » porté par le ministère chargé de la transition écologique, qui a été précurseur pour l’usage de données de La Poste pour analyser les déménagements.

Si ces sources présentent chacune des limites dans leur pertinence pour une analyse des déménagements, elles se sont avérées largement concordantes et ont permis de produire un faisceau d’indices avancés informatifs sur ce qui se produisait, à la fois au cœur de la crise en 2020-2021 mais aussi post crise en 2022. Ces travaux ont notamment montré une accentuation des tendances, prévalant avant la crise, de départ des pôles des grandes métropoles et de l’aire parisienne vers des villes plus petites et moins proches des cœurs urbains.

Quels sont ces quatre dispositifs particulièrement riches en matière d’analyse précoce des mobilités, dont les enseignements doivent néanmoins être interprétés avec précaution car ils ne couvrent qu’une partie des déménagements intervenus sur une période donnée (cf. infra) ?

Les contrats de reexpédition proposés par La Poste aux personnes qui déménagent définitivement constituent une première source d’information. Environ 2 millions de personnes en souscrivent chaque année. À partir de ces contrats, La Poste constitue, depuis quelques années, un ensemble de bases de données anonymisées, par communes de départ et d’arrivée, retraçant le flux de déménagements définitifs mensuels des personnes concernées par ces contrats.

De son côté, le répertoire statistique des véhicules routiers (RSVERO) recense l’ensemble des véhicules routiers (voitures particulières, mais aussi autobus et autocars, camionnettes, camions, tracteurs routiers, etc.) immatriculés sur le territoire français. Il est produit par le Service des données et études statistiques (Sdes) du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Il enregistre l’ensemble des changements d’adresse déclarés par les utilisateurs de ces véhicules. Le suivi des changements d’adresses pour les voitures particulières permet de construire des flux de déménagement des propriétaires de véhicules par communes de départ et d’arrivée.

Une troisième source est constituée de données du ministère de l’Éducation nationale qui répertorient l’ensemble des élèves de l’enseignement public et privé sous contrat, en particulier du premier degré (maternelle et primaire) : à cet âge, les enfants étant scolarisés dans la quasi-totalité des cas dans la commune où ils résident, la localisation de l’établissement scolaire constitue une excellente approximation du lieu d’habitation des ménages. L’éducation nationale est en mesure d’identifier et d’analyser les flux de déménagement croisant commune de départ et d’arrivée, car les fichiers comportent des informations sur l’établissement fréquenté, l’année précédente, par chaque élève. Des données en open data sur le niveau des inscriptions (et non sur les flux) sont aussi mobilisables par tous, et sont elles aussi instructives sur les déménagements, mais indirectement, en procédant par double comparaison dans le temps et dans l’espace.

Une mesure des mobilités géographiques peut également être établie à partir des déclarations sociales nominatives (DSN), qui sont réalisées mensuellement par les employeurs. Ces déclarations comportent diverses informations et notamment les caractéristiques associées aux contrats de travail, telles que l’établissement employeur, son secteur d’activité et son adresse, ainsi que l’adresse du salarié. Les déménagements peuvent être appréhendés au travers des changements d’adresse personnelle et l’éloignement au travail peut l’être par comparaison des deux adresses.

Des enseignements riches et convergents sur les mobilités

En dépit de limites qu’on abordera un peu plus loin, la mobilisation de ces données, avec les précautions requises, a permis d’éclairer des ruptures dans l’intensité de certains flux migratoires depuis le Covid. Elles mettent en évidence un rôle probable de la généralisation du télétravail dans une partie de ces phénomènes. La convergence de plusieurs résultats de l’étude multi-sources précitée ou de plusieurs études entre elles, suggère que les enseignements sont plutôt robustes.

Par exemple le ratio entre les entrées et les sorties d’une région donnée évolue de manière semblable entre 2019 et 2022, que l’on s’appuie sur les données des déménagements inférés des contrats de réexpédition postale ou du répertoire de véhicules particuliers. Les messages délivrés sont ainsi similaires, notamment s’agissant de l’analyse régionale.

Entre 2019 et 2021, il y a une accentuation des mouvements de migrations résidentielles vers les régions qui étaient déjà très attractives jusque-là. L’attractivité de la Bretagne, déjà la région la plus choisie avant la crise si l’on compare arrivées et départs, a progressé plus que toutes les autres, passant de 185 à 206 arrivées pour 100 départs entre 2019 et 2021 (figure 1). La même dynamique est décrite par les données d’immatriculation : 215 arrivées pour 100 départs en 2021 contre 196 deux ans plus tôt. Le mouvement en Nouvelle-Aquitaine est pratiquement de même ampleur. À l’autre extrême, les trois régions traditionnellement les moins attractives – Île-de-France en premier lieu, mais aussi Hauts-de-France et Grand-Est – perdent des habitants dans les mobilités avec les autres territoires français pendant la crise, avec une forte dégradation du solde pour la première et l’absence d’amélioration pour les deux autres.

Figure 1 : Ratio des entrées sur 100 sorties par région de France métropolitaine, en 2019 et 2021

Ratio des entrées sur 100 sorties par région de France métropolitaine, en 2019 et 2021
Lecture : en 2021, 206 entrées ont lieu pour 100 sorties en Bretagne s’après les contrats de réexpédition définitive souscrits à La Poste.
Champ : France métropolitaine.
Sources : La Poste ; RSVERO, Sdes ; traitements Insee.

La région francilienne est particulièrement impactée pendant la crise : la dégradation des soldes migratoires s’opère par rapport à toutes les régions de France métropolitaine et notamment par rapport à des régions qui lui sont contiguës, telles que la Normandie et le Centre-Val de Loire. En 2022, les phénomènes s’estompent, mais sans retour à la situation de 2019. De manière convergente, une étude réunissant les trois rectorats franciliens établit une forte hausse, entre les années scolaires 2019 et 2021, du ratio entre les départs de la région francilienne et les arrivées d’élèves scolarisés dans le premier degré (Duval, Flotte et alii, 2022). En 2021, ce ratio s’établit à 4 élèves sortants de la région pour un élève entrant sous l’effet en particulier d’une hausse de 72 % des départs, alors que le ratio s’établissait à 2 en 2019. Les mouvements vers la façade atlantique ou le pourtour méditerranéen s’accroissent, mais aussi vers des départements limitrophes de l’Oise, du Loiret ou de l’Eure.

Ces trois sources partielles sur les déménagements (La Poste, les immatriculations et les inscriptions scolaires) livrent aussi des messages identiques sur les évolutions de flux de déménagements entre les grandes métropoles et les communes (ou les regroupements de communes liées à un même centre d’emploi) plus petites.

Ainsi, à la faveur de la crise, les flux migratoires depuis les centres de ces métropoles vers les communes situées en périphérie augmentent pendant les années 2020 et 2021 (figure 2). Là encore, il est précieux de disposer déjà des données 2022, qui actualisent le constat : le phénomène, au plus fort en 2021, s’estompe seulement en partie. S’il est flagrant pour les métropoles, le mouvement des centres vers les communes en périphérie est faible ou inexistant dans les regroupements plus petits de communes en aires.

Figure 2 : Ratio des entrées pour 100 sorties des couronnes par rapport à leurs pôles selon la catégorie d’aire d’attraction des villes*

Ratio des entrées pour 100 sorties des couronnes par rapport à leurs pôles selon la catégorie d'aire d'attraction des villes
Note : pour 2017, le ratio est calculé sur les six derniers mois de l’année.
Lecture : en 2022, dans les couronnes des aires de 700 000 habitants ou plus (hors Paris), 249 entrées se font en provenance de leur pôle pour 100 sorties vers ce même pôle.
Champ : France métropolitaine.
Source : La Poste, d’après les contrats de réexpédition définitive ; traitements Insee.
*Cette notion est définie précisément ici : https://www.insee.fr/fr/information/4803954

Par ailleurs, la Dares (Barry et Obser, 2022) et l’Insee ont pu mettre en évidence des indices suggérant une relation entre le développement du télétravail et les déménagements à longue distance au départ des grandes métropoles, ainsi qu’avec les déplacements longs domicile-travail pour les personnes en emploi dans ces dernières. Ces navettes sur longue distance sont en effet plus marquées pour les métiers qui pratiquent fréquemment le télétravail, en particulier les domaines des services administratifs, comptables et financiers, de l’informatique ou encore de la banque et assurance.

De premiers constats concernant les impacts sur le marché immobilier

Des conséquences du développement de la pratique du télétravail sur le marché de l’immobilier sont progressivement mises en évidence dans certains pays anglo-saxons mais aussi en France. Ainsi les prix des logements neufs comme anciens ont augmenté moins rapidement depuis 2020 en Île-de-France que dans les autres régions françaises d’une part ; la hausse des prix des appartements est moins forte que celle des maisons d’autre part (Insee, 2023). Une étude (Chareyron et alii, 2022) a également mis en évidence que l’écart de prix entre communes denses et peu denses a eu tendance à se réduire après le mois de mars 2020. Ce résultat suggère que l’attrait des aménités purement urbaines, présentes dans les zones denses, s’est réduit au profit d’une demande d’espace plus importante. Un changement apparaît également par rapport à la distance de la commune au centre de l’aire urbaine. Une forte distance au centre de l’aire reste un facteur de baisse des prix, mais moindre depuis la pandémie qu’avant.

Les premiers résultats issus d’une exploitation précoce des données du recensement

Une publication récente de l’Insee établie à partir d’une exploitation des données annuelles du recensement, mais ne pouvant pas être utilisée à un niveau géographique fin (les communes de moins de 10 000 habitants sont recensées une année sur cinq), est venue conforter ces travaux et, partant, l’intérêt des données précoces mobilisées (Brutel, 2023). Cette étude établit que les déménagements de l’Île-de-France vers les autres régions métropolitaines ont augmenté de 25 % entre 2019 et 2021, avec 56 000 personnes de plus. Faible (moins de 0,5 %) au regard d’une population francilienne d’un peu plus de 12 millions d’habitants, cet accroissement est tout sauf anodin si on se réfère au taux de croissance annuel moyen de la population francilienne avant crise, autour de 40 000 personnes par an. Une décroissance de sa population en 2021 n’est ainsi pas exclue. Cependant ce sont bien les données définitives du recensement qui viendront dire si la dynamique de croissance de l’Île-de-France a été à ce point, et peut être durablement, perturbée.

Les sources alternatives sur les déménagements présentent chacune des limites

On ne peut cependant conclure sans évoquer les limites des sources avancées sur les déménagements. Pour séduisant qu’il apparaît, le recours à des sources alternatives au recensement pour identifier et analyser les migrations se heurte à différents types de difficultés, que chaque étude doit bien prendre en compte afin de ne pas dresser des conclusions trop hâtives, ou à un grain d’analyse trop fin. La moindre robustesse de ces données implique aussi que l’on ne peut pas dire trop de choses de la variabilité spatiale des phénomènes que l’on observe.

En premier lieu, chaque source recouvre une fraction seulement de la population résidente, différente selon chacune. Ainsi, seule une partie des ménages accompagnent leur déménagement d’un contrat de réexpédition de leur courrier. Plusieurs phénomènes concourent à cette limitation : l’usage du courrier papier a chuté du fait de la dématérialisation des documents administratifs et des échanges afférents (fiches de salaire, impôts, banque) ; le service public a mis en place une procédure intitulée « dites-le nous une fois » permettant d’intégrer une unique déclaration administrative de changement de domicile pour tous les services ; les jeunes qui déménagent ont une moindre incitation à souscrire un contrat de réexpédition car ils peuvent récupérer leur courrier chez leurs parents.

Le fichier répertoriant les déménagements des détenteurs de voitures couvre, lui aussi, seulement une partie de la population. Au 1er janvier 2022, on répertoriait 38,7 millions de voitures en circulation en France. Cette source accuse une représentativité plus faible des jeunes et des personnes résidant au cœur des grandes agglomérations, moins nombreux à détenir une voiture. De la même manière, les fichiers sur les inscriptions d’élèves sont restreints à la population des familles avec jeunes enfants. Les inscriptions scolaires dans le second degré sont moins à même de rendre compte des déménagements que celle dans le premier degré, car la proximité domicile-établissement scolaire fréquenté est moindre. En outre, les inscriptions dans les établissements privés hors contrats n’y sont pas répertoriées. Les données relatives aux salariés, de leur côté, excluent les personnes inactives telles que les retraités et les étudiants, ainsi que les personnes au chômage, et l’extension seulement très récente de la DSN au secteur public conduit à ne disposer de données sur la durée que sur les salariés du secteur privé.

La couverture partielle des déménagements n’est pas le seul écueil. Ces sources, selon les cas, renvoient au déménagement d’individus ou de ménages, voire à un mixte des deux. Lorsqu’elle quitte les Yvelines pour s’installer à Rennes, une famille doublement équipée en voiture, avec trois enfants scolarisés dans le premier degré, pourra apparaître une fois dans le fichier de réexpédition de La Poste, deux fois dans celui des véhicules et trois fois dans les mobilités scolaires, et, selon l’emploi occupé, le fichier DSN répertoriera 0, 1 ou 2 personnes. Par contraste, l’information disponible via le recensement comptabilise précisément chaque ménage et chaque individu qui le compose.

Analyser l’évolution des déménagements par ces différentes sources précoces est aussi délicat, car les comportements individuels peuvent être marqués par des tendances lourdes. Ainsi, la propension à conserver sa voiture lors d’un déménagement a évolué au cours de la dernière décennie, au gré des politiques visant à favoriser les mobilités douces dans les centres urbains, notamment à Paris. De même, le nombre de contrats de réexpédition a diminué de 17 % en quelque 5 ans, une baisse liée à la numérisation croissante des échanges, dont témoigne la baisse des courriers adressés sur la même période (-30 % selon l’Arcep). On ne peut en inférer une diminution des déménagements au niveau national, et toute évolution au niveau local ne peut être analysée qu’en corrigeant préalablement de cette tendance.

Dernière difficulté, par contraste avec les données particulièrement riches des opérations de recensement, qui permettent d’analyser les migrations résidentielles selon de nombreuses caractéristiques socio-professionnelles des individus, les données avancées sont plus rarement assorties des informations complémentaires qui permettraient d’aller au-delà d’une simple quantification des phénomènes.

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