Impact de la crise sanitaire sur les entreprises : une enquête en un temps record

Impact de la crise sanitaire sur les entreprises : une enquête en un temps record

Le premier confinement aura coûté aux entreprises françaises 3 % de leur chiffre d’affaires pour acheter des masques, du gel hydroalcoolique et d’autres fournitures. Pour obtenir ce résultat et mesurer les autres impacts de la crise sanitaire sur l’activité et l’organisation des entreprises, l’Insee a lancé une enquête inédite. Décidée en avril, réalisée en septembre, elle a été adressée à 50 000 entreprises sur tout le territoire français. La réduction des délais à chacune des étapes de la production puis de l’analyse des données a permis de publier une étude complète en quelques mois seulement. Retour sur l’histoire d’une enquête menée tambour battant.

8 mois. C’est le temps qui s’est écoulé entre la décision de lancer l’enquête et la publication de ses premiers résultats. Le délai peut sembler long. Pour une enquête de cette envergure, il est en réalité plus que réduit. L’idée d’une enquête pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation et l’activité des entreprises (Impact-Entreprises) émerge peu après l’instauration du premier confinement (17 mars 2020). La décision est formellement arrêtée aux premiers jours d’avril. Dès le lancement du projet, l’objectif est de diffuser les premiers résultats avant la fin de l’année. Pour tenir ce délai, les équipes de la Direction des Statistiques d’Entreprises (DSE) et l’ensemble des parties prenantes de l’enquête (dont la Direction de la Méthodologie et de la Coordination Statistique et Internationale de l’Insee et le Comité du label de la statistique publique) s’attachent à en alléger et raccourcir chacune des phases, sans dégrader la qualité des données produites.

Raccourcir les phases de travail avant la collecte des données

La DSE part d’une feuille blanche ou presque, sans questionnaire ni échantillon d’entreprises préexistant. D’emblée, le parti pris est celui de créer un questionnaire simple à remplir pour les entreprises et facile à gérer pour les statisticiens. Comportant une quarantaine d’entrées, il privilégie des questions aux réponses rapides et n’exigeant pas la mobilisation de documents comptables. Avant le lancement de la phase de collecte, une trentaine de tests sont réalisés par mail et par téléphone. Les retours des entreprises interrogées sont encourageants, plusieurs interlocuteurs soulignant la pertinence du thème choisi.

Une étape importante intervient le 3 juillet, le jour où l’enquête obtient du Comité du label de la statistique le label d’intérêt général et le « caractère obligatoire ». Le tirage de l’échantillon s’effectue lui aussi dans un délai très court, grâce à la mobilisation de la Direction de la Méthodologie et de la Coordination Statistique et Internationale de l’institut.

Réduire les délais de collecte et de traitement des données

La collecte des données d’enquête est programmée entre septembre et octobre 2020. « Certaines entreprises subissaient alors des fermetures administratives, d’autres voyaient leurs organisations bouleversées par la crise : dans ces conditions, le nombre de réponses risquait d’être faible. C’est précisément pour contrer ce risque que nous avons augmenté l’échantillon par rapport à celui d’une enquête ordinaire », renseigne Sylvain Moreau, à la tête de la direction des Statistiques d’entreprises. Pour Impact-Entreprises, 50 000 sociétés implantées sur le territoire français (dont les départements et régions d’outre-mer, y compris Mayotte) seront interrogées. Les équipes de la DSE anticipaient un taux de retour d’environ 50 %. Ce sera finalement 45 %, soit 20 à 25 points de moins que pour les enquêtes thématiques habituelles. Au-delà des effets de contexte, ce taux de retour tient aussi à la brièveté de la période de collecte : elle s’est déroulée sur six semaines seulement contre 15 semaines en moyenne pour les enquêtes traditionnelles menées auprès des entreprises.

Pour gagner du temps sur le traitement post-collecte, le repérage et la correction des incohérences dans les réponses sont réalisés en continu, deux semaines après le lancement effectif de l’enquête. La Déclaration sociale nominative (DSN) et les déclarations de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont mobilisées pour repérer, parmi les non-répondants, les sociétés qui auraient définitivement baissé le rideau. En effet, dans ce contexte de crise, les déclarations administratives peuvent être lacunaires et la cessation d’activité non enregistrée dans le répertoire Sirene. Une fois la base ainsi apurée, le redressement et les imputations, opérations visant à corriger les biais liés à la non-réponse, sont réalisés en 4 semaines contre 3 mois environ en temps normal.

Une publication rapide de résultats importants

Vient alors le temps de l’analyse des données. À l’instar des autres étapes, la publication des résultats est réalisée dans un temps plus court qu’habituellement, sous la forme d’un Insee Première. L’impact de la crise sanitaire sur l’organisation et les finances des sociétés françaises est massif. Lors du premier confinement, un tiers des entreprises ont fermé pour une durée moyenne de 57 jours. Cette suspension d’activité a engendré de lourds problèmes logistiques, 58 % des entreprises enquêtées déclarant des ruptures d’approvisionnement et 50 % des difficultés de transport et de livraison. Pour autant, le confinement n’a pas au moment de l’enquête généré un mouvement massif de relocalisation, moins de 1 % des sociétés ayant décidé d’un changement de localisation d’une partie de leurs activités à la date de l’enquête. Enfin, l’application des protocoles sanitaires a engendré des coûts directs et indirects. 70 % des entreprises signalent l’existence de coûts indirects, liés à la distanciation physique (accueil limité de clients, espacement des rendez-vous, réorganisation des salariés dans la chaîne de production, etc.) et à l’exploitation limitée de l’espace (pour les salariés ou les clients). Elles évaluent à 3 % de leur chiffre d’affaires de 2019 le coût direct des achats de masques, de gel hydroalcoolique et autres fournitures nécessaires au respect des gestes barrière.

Outre les informations que l’enquête a permis de recueillir et de valoriser en fin d’année 2020, l’opération est riche d’enseignements pour l’observation du tissu productif national. Ces premiers résultats seront suivis d’autres publications, avec des zooms sectoriels ou la mise à disposition d’informations territoriales. « Il n’est néanmoins pas prévu de réitérer ce type d’enquêtes dans les années qui viennent. En effet, face à une situation aussi évolutive, même ces délais raccourcis ne permettent pas d’être complètement pertinents dans le questionnement. En l’occurrence, quand l’Insee a commencé à réfléchir au questionnaire, lors du premier confinement, personne n’envisageait qu’au moment où l’enquête serait sur le terrain pourrait se profiler un deuxième confinement », explique Sylvain Moreau. Et le directeur de la DSE de conclure :

« Pour favoriser, une remontée rapide et pertinente d’informations issues des entreprises, il est sans doute nécessaire de panacher un questionnaire simple et court auprès d’un panel d’entreprises, à l’exemple de ce qui est fait dans le cas des enquêtes de conjoncture, avec des simulations issues des indicateurs d’activité que l’institut produit tous les mois. C’est une des pistes sur lesquelles l’Insee travaille actuellement. »

L’essentiel

  • De la conception du questionnaire à la publication des résultats, il a fallu 8 mois à l’Insee pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation et l’activité des entreprises ;
  • 50 000 entreprises ont été interrogées en un temps record en respectant l’ensemble des règles et bonnes pratiques de la statistique publique ;
  • Lors du premier confinement, un tiers des sociétés ont fermé pour une durée moyenne de 57 jours ;
  • Les entreprises françaises évaluent à 3 % de leur chiffre d’affaires de 2019 le coût direct de l’application des protocoles sanitaires.

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