Indice des prix à la consommation vs indice des prix harmonisé au niveau européen : santé et énergie font la différence

Indice des prix à la consommation vs indice des prix harmonisé au niveau européen : santé et énergie font la différence

Depuis sa création, l’Insee calcule l’indice des prix à la consommation (IPC) sur lequel se fonde la mesure de l’inflation. Dans les années 1990, en vue de l’intégration monétaire, les pays européens ont défini un indice harmonisé, à champ et concepts identiques pour tous les pays. L’Insee calcule ainsi également l’indice des prix à la consommation dit « harmonisé » (IPCH). Celui-ci sert de référence pour mesurer l’inflation de la zone euro par exemple, il est notamment utilisé par la Banque centrale européenne. Les écarts entre les deux mesures de l’inflation s’expliquent par les différences de périmètre, notamment sur les biens et services de santé.

Le plus souvent très proches, l’indice des prix à la consommation (IPC) et l’indice des prix dit harmonisé (IPCH) se sont davantage écartés en 2021, avec une évolution sur un an de + 2,8 % pour l’IPC et + 3,4 % pour l’IPCH en décembre, soit un écart de 0,6 point. Certains se sont interrogés sur l’opportunité d’avoir deux indices et sur le sens à donner à ces écarts. Ce double thermomètre a ses raisons d’être, comme on va le voir. Commençons par le commencement.

De l’indice des « 34 articles » à l’IPCH

À sa création en 1946, l’Insee a repris la publication de l’« indice des 34 articles », lui-même héritier de l’« indice des 13 articles » publié depuis le début du XXe siècle. Cet indice comprenait 29 denrées alimentaires, 4 articles de chauffage et d’éclairage et le savon. Les autres produits manufacturés et les services en étaient totalement absents. Il va sans dire que l’« indice des prix » a été profondément amélioré au fil des décennies et n’a plus grand-chose à voir avec ses ancêtres. Le panier de consommation a été étendu à de nouvelles dépenses, comme celles de communication, d’habillement, et de loisirs. L’actuel IPC est établi selon la classification européenne des fonctions de consommation des ménages (Classification of Individual Consumption by Purpose – COICOP).

Il repose sur des centaines de milliers de prix et tarifs, relevés chaque mois, dans les points de vente par les enquêteurs de l’Insee et sur Internet, ainsi que sur des dizaines de millions d’enregistrements de données de caisse transmis chaque jour par les distributeurs. L’IPC capte ainsi au plus juste la variété des prix effectivement observés sur tout le territoire, et pour un maximum de biens et de services.

En Europe, une étape importante de l’histoire de l’indice des prix a été la création, à partir de 1996, de l’IPCH. Les États membres disposaient en général de leur propre indice des prix à la consommation. Ces indices nationaux pouvaient être différents en termes de champ ou de concepts. Or la mise en œuvre du traité de Maastricht impliquait de disposer d’indicateurs statistiques essentiels comparables pour les critères de convergence puis pour la politique monétaire au niveau de la zone euro. Engagés dès juin 1993, les travaux des instituts nationaux de statistique européens et d’Eurostat ont conduit à la définition et au calcul d’un « indice des prix à la consommation harmonisé » (IPCH). Depuis lors, la production de l’IPCH, prévue par un règlement européen, s’impose à chaque État membre de l’Union européenne. Les indices des prix à la consommation nationaux continuent d’être publiés dans plusieurs pays, par exemple en France, en Allemagne, en Espagne ou encore en Italie.

Différences de contour

Le premier règlement européen relatif à l’indice des prix à la consommation harmonisé, adopté en 1995, a fixé le principe selon lequel « les IPCH sont comparables lorsqu’ils ne reflètent que les différences existant entre les variations de prix ou les habitudes de consommation nationales. Les IPCH qui diffèrent à cause des différences de concepts, de méthodes ou de pratiques qui président à leur définition et leur établissement ne sont pas comparables ».

En pratique, en France, l’IPCH diffère de l’IPC national essentiellement quant au contour de la consommation : dans l’IPCH, seules sont prises en compte les dépenses restant à la charge des ménages après l’éventuel remboursement par les pouvoirs publics ou la sécurité sociale (prix « net »). A contrario, l’IPC retient l’intégralité du prix du bien ou du service concerné (prix « brut »). C’est sur le domaine de la santé que porte donc la principale différence. Autre différence, moins visible sur l’indice : l’IPCH prend en compte l’ensemble des services non marchands. Cela occasionne de légers écarts de champ. Ainsi, pour respecter strictement cette règle, l’IPCH comprend un poste « éducation élémentaire », correspondant aux frais d’inscription à l’école privée, à hauteur de 0,06 % du total en France.

L’IPCH a progressé un peu plus vite que l’IPC, l’écart étant de 0,15 point de pourcentage en moyenne annuelle entre 1996 et 2021.

Hormis celui de la santé, chacun des grands postes de la nomenclature évolue de manière similaire dans l’IPCH et l’IPC (figure 1). Mais comme la santé pèse moins dans l’IPCH (après remboursements) que dans l’IPC (avant remboursements), les autres postes sont affectés d’une pondération plus importante dans l’IPCH (figure 2). Or, depuis la création de l’IPCH en 1996, les prix de la plupart des autres postes ont progressé davantage que ceux de la santé. Cela a donc tiré l’IPCH à la hausse par rapport à l’IPC.

Figure 1 – Inflation annuelle moyenne entre 1996 et 2021 par poste de consommation dans l’IPC et dans l’IPCH

Source : Insee.

Figure 2 – Pondération de chaque poste de consommation dans l’IPC et dans l’IPCH

Pondération de chaque poste de consommation dans l'IPC et dans l'IPCH
Source : Insee.

Une autre partie de l’écart entre l’IPCH et l’IPC vient du fait que les prix des biens et services de santé sont en légère baisse sur le champ complet de l’IPC, tandis qu’ils sont en hausse sur le champ restreint à la partie non remboursée. En y regardant de plus près, sur le champ des services de santé, les évolutions sont très similaires sur longue période dans l’IPC et dans l’IPCH. Sur le champ des biens (produits pharmaceutiques, appareils et matériels médicaux), l’IPCH et l’IPC sont tous les deux en baisse tendancielle marquée. En revanche, pour ces biens, l’IPCH baisse moins que l’IPC. Cela peut tenir à une baisse du taux de remboursement moyen, mais aussi à l’apparition de produits de type paramédical pas nécessairement remboursés. De vastes questions qui dépassent très largement le cadre de cet article de blog.

Un écart accru entre les deux indices en 2021, en raison de l’énergie et de la santé

En 2021, l’IPC a augmenté de 1,6 % en moyenne annuelle, tandis que l’IPCH s’accroissait de 2,1 %. Un écart s’est creusé entre l’IPCH et de l’IPC au fil des mois (figure 3) : 0,2 point d’écart sur le glissement annuel en janvier, 0,3 point en mars, 0,4 point en mai et jusqu’à 0,6 point à l’automne. Au mois de décembre, le glissement annuel de l’IPC était de 2,8 % et celui de l’IPCH de 3,4 % : un vrai sujet d’interrogation en plein débat sur les tensions inflationnistes.

Figure 3 – Indice des prix à la consommation et indice des prix à la consommation harmonisé

Indice des prix à la consommation et indice des prix à la consommation harmonisé
Source : Insee.

Un écart de plusieurs dixièmes de point entre les glissements annuels de l’IPC et l’IPCH n’est pas inédit. L’écart atteignait plus de 0,4 point courant 2008, 0,3 point courant 2012 et courant 2018. C’est en revanche la première fois depuis 1996 que l’écart dépasse 0,4 point.

La hausse des prix de l’énergie explique un tiers de l’écart, simplement parce que l’énergie pèse plus dans l’IPCH que dans l’IPC. Un écart de même nature avait déjà été observé en 2008 et en 2018, périodes de forte hausse des prix de l’énergie.

Le poste santé contribue aussi à accroître l’écart. Le prix des biens et services de santé baisse moins en net (dans l’IPCH) qu’en brut (dans l’IPC). Cela est dû à des effets cumulés, liés notamment à la crise sanitaire. Citons par exemple la fin de certaines mesures exceptionnelles prises au moment de la crise sanitaire : fin de la facturation avec un coefficient majoré de consultations de prévention de la contamination à la Covid-19 pour les personnes en situation de vulnérabilité ou à risque de formes graves ; fin de la facturation de la majoration d’urgence pour l’intervention dans les EHPAD de professionnels de santé. Le prix brut des actes correspondants avait augmenté à leur mise en place en 2020. En 2021, une fois le dispositif de majoration arrivé à son terme, les prix bruts ont baissé, mais pas les prix nets : cela a accru l’écart entre IPCH et IPC. Autre source d’écart : la fin de la prise en charge des tests RT PCR pour les non-vaccinés dans certains cas (passe sanitaire) a contribué à augmenter les prix nets (IPCH), sans effet direct sur le prix brut.

Dans une moindre mesure, les produits alimentaires, les alcools et tabac, les hôtels et restaurants et le poste communications augmentent également plus que la moyenne. Comme ils pèsent plus dans l’IPCH que dans l’IPC, ils contribuent à accroître l’écart entre l’IPCH et l’IPC.

En janvier 2022, l’écart entre les glissements annuels de l’IPCH et de l’IPC s’est réduit avant de se creuser à nouveau un peu dans l’indice provisoire de février, avec un écart de 0,5 point. Affaire à suivre, donc, en lisant les prochaines publications de l’indice des prix !

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