Des statistiques pour accompagner la transition climatique

Des statistiques pour accompagner la transition climatique

La statistique publique a un rôle à jouer dans l’analyse et le suivi des enjeux de la transition climatique comme le souligne le récent rapport sur Les incidences économiques de l’action pour le climat. Disposer de statistiques adaptées et précises est essentiel pour éclairer l’action et le débat publics sur toutes les dimensions : pour estimer les émissions de gaz à effet de serre et les mettre en regard de l’activité économique, pour aider à définir et à suivre des politiques publiques touchant les entreprises ou les ménages, pour permettre l’évaluation des investissements liés à la transition, pour répondre à la question « qui paye ? », mais aussi pour évaluer l’écart entre l’ambition et les moyens mis en œuvre, ainsi que pour suivre l’observation des dommages et estimer l’adaptation nécessaire.

Pour lutter contre le dérèglement climatique, l’Europe s’est donnée un objectif clair et très ambitieux : atteindre la neutralité carbone en 2050, au terme d’une « transition climatique » qui sera à la fois profonde et rapide. En quoi consistera cette transition, en pratique ? Les entreprises auront à modifier en profondeur leurs techniques et leur organisation afin de produire sans émettre de gaz à effet de serre. Simultanément, les ménages et les administrations devront opter pour plus de sobriété en orientant leur consommation vers des biens et services moins carbonés. Le décideur public aura plusieurs rôles : d’une part, initier et soutenir la transition, car elle n’est pas spontanée ; d’autre part, coordonner autant que possible la transformation conjointe de l’offre et de la demande pour limiter les déséquilibres. Il devra pour cela manier toute la palette des politiques économiques : inciter ou financer, taxer, interdire ou réglementer. Dans un rapport intitulé « Les incidences économiques de l’action pour le climat » publié le 22 mai, une mission présidée par Jean Pisani-Ferry vient de réaliser une synthèse très large de ces problématiques.

Pour observer et analyser ces transformations, sommes-nous suffisamment équipés ? Le service statistique public s’est saisi de cette question. Ce billet de blog vise à faire un état des lieux des statistiques existantes, des projets en cours et des enjeux identifiés pour les prochaines années. Il s’appuie notamment sur le rapport thématique « Indicateurs et données » coordonné par l’Insee et France Stratégie dans le cadre de la mission Pisani-Ferry.

Estimer les émissions de gaz à effet de serre et les mettre en regard de l’activité économique

Il existe deux grandes approches pour suivre les émissions de gaz à effet de serre (GES). D’une part, l’inventaire décrit les émissions intervenant sur le territoire national (figure 1). En France il est réalisé par le Citepa pour le compte du ministère chargé de l’Environnement. Il constitue le socle des engagements internationaux de la France en matière de réduction des émissions (accords de Kyoto puis de Paris). D’autre part, l’empreinte carbone mesure les émissions associées aux biens et services consommés en France, qu’ils soient produits en France ou à l’étranger. Ces deux approches sont complémentaires : le problème des émissions de GES étant mondial, il est nécessaire pour chaque pays de réduire ses émissions territoriales aussi bien que son empreinte importée. En particulier, les politiques de réduction nationales doivent éviter de se traduire par des « fuites de carbone » vers des pays où les réglementations sont moins strictes.

Figure 1 – Émissions de gaz à effet de serre en France par activité en 2021 (en millions de tonnes d’équivalent CO₂)

Émissions de gaz à effet de serre en France par activité en 2021 (en millions de tonnes d'équivalent CO2)
Note : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015759.
Lecture : en 2021, le secteur d’activité du transport routier émet une quantité de gaz à effet de serre équivalant à 119,6 millions de tonnes de CO₂.
Champ : France et Saint Martin (périmètre Kyoto), émissions hors UTCATF (Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie).
Source : Citepa, rapport Secten édition 2022.

L’Insee et le service statistique du ministère chargé de l’environnement, le SDES (Service des données et études statistiques) travaillent à faciliter le rapprochement entre les estimations d’émissions de GES et les données économiques. À l’horizon 2024, l’objectif est de publier des « comptes carbone » intégrés avec deux volets : une approche « production », qui lie les émissions françaises de GES (en tonne d’équivalent CO2) avec la production économique et la valeur ajoutée des branches d’activité (en euros) et une approche « demande », qui lie l’empreinte carbone (en tonne d’équivalent CO2) avec les biens et services consommés en France (en euros). Ce rapprochement entre données physiques et économiques est déjà possible aujourd’hui en théorie, mais est réservé en pratique à des experts. L’objectif est donc d’élargir les possibilités d’analyse économique des émissions de GES.

En parallèle, l’Insee et le SDES améliorent aussi le calcul de l’empreinte carbone française, en mobilisant de nouvelles bases de données internationales appelées « tableaux internationaux entrées-sorties » afin d’aboutir à un calcul plus précis et plus détaillé par origine géographique.

Enfin, il existe des indicateurs infra-annuels d’émissions de GES (en France le baromètre mensuel du Citepa, au niveau européen une estimation trimestrielle calculée par Eurostat). Faute d’une observation directe, ces indicateurs reposent largement sur la projection et la modélisation. Si, à ce stade, ils ne peuvent sans doute pas être un outil de pilotage économique conjoncturel comme le PIB ou l’indice des prix, ils ont néanmoins une réelle importance en termes de communication pour « prendre une place comparable » à celle des indicateurs classiques dans le débat public.

La mise en place et le suivi des politiques publiques requiert des statistiques sectorielles ou individuelles plus détaillées

Parvenir à la neutralité carbone en 2050 suppose d’agir dans tous les secteurs de l’économie. Pour chacun, il est nécessaire d’observer les émissions et de les relier aux activités économiques et aux comportements des ménages, afin de pouvoir calibrer et évaluer les politiques de réduction.

Le SDES produit déjà des « bilans annuels » sur l’énergie, le logement et les transports qui permettent de faire le lien entre les activités économiques et les émissions de GES. Les nomenclatures utilisées dans ces bilans sectoriels sont adaptées aux spécificités de chaque secteur, mais leurs catégories ou leur champ ne sont pas toujours parfaitement alignés avec les comptes nationaux monétaires, ce qui peut poser problème pour passer à l’analyse macroéconomique. Sur l’énergie, le nouveau rapportage européen au format PEFA (« physical energy flow accounts ») permet néanmoins de progresser dans la réconciliation avec les concepts des comptes monétaires.

Sur l’agriculture enfin (19 % des émissions françaises en 2019), l’inventaire permet de faire un lien explicite entre les émissions de GES et les activités humaines (élevage du bétail, épandages d’engrais…), qu’il faut ensuite rapprocher des grandeurs économiques correspondantes.

Au niveau microéconomique, la qualité et la couverture des données permettant l’analyse des politiques publiques progresse rapidement. On peut citer notamment deux projets majeurs menés par le SDES. Le Répertoire Statistique des Véhicules Routiers (RSVERO) a été enrichi avec les données issues des contrôles techniques, qui permettent de connaître les kilométrages réels parcourus par chaque véhicule en circulation. On peut donc étudier les émissions de GES selon les caractéristiques et usage des véhicules, mais aussi celles des ménages propriétaires quand ce fichier est apparié (de manière anonymisée) avec les fichiers sociaux-fiscaux de l’Insee. Second projet, l’exploitation sur un échantillon de logements des données de consommation effective d’énergie (gaz et électricité), conjointement avec les demandes d’aide « Ma prime renov » et les certificats d’économie d’énergie, permettra d’évaluer avec précision l’efficacité réelle des gestes de rénovation énergétique.

Du côté des entreprises, la réalisation de « bilans carbone » et « analyses en cycle de vie des produits » se développe rapidement. L’usage de ces données pour l’analyse macroéconomique est cependant aujourd’hui très limité. En effet, elles sont encore loin de couvrir de manière exhaustive le tissu économique français. Par ailleurs, elles ne sont pas destinées à être agrégées : par exemple le bilan carbone « scope 3 » d’une entreprise couvre la totalité de l’activité de ses fournisseurs. Agréger ces bilans au niveau de l’économie nationale aboutirait ainsi à compter de nombreuses fois la même chose. Le système d’information microéconomique qui pourrait alimenter une analyse globale de l’empreinte carbone est donc encore incomplet. Sur le principe, il s’agirait pour chaque entreprise de tenir une comptabilité parallèle à la comptabilité monétaire, qui recenserait de manière exhaustive le contenu « équivalent carbone » des biens et services entrants et sortants. On peut noter en France l’initiative « carbone sur facture », qui promeut un tel système comptable sur la base du volontariat.

Il est nécessaire d’évaluer l’efficacité des investissements liés à la transition climatique

La transition climatique génère un besoin d’investissement important. Il est en partie transitoire : il s’agit d’installer rapidement et à grande échelle un capital qui, dans un premier temps, vient compléter les actifs existants plutôt que les remplacer. Cette « bosse » d’investissement est renforcée par le caractère moins mature des technologies non carbonée, qui les rend temporairement plus chères. Mais le besoin est également en partie pérenne : notamment pour utiliser de manière fiable les énergies renouvelables non pilotables (éolien et solaire), il est nécessaire d’installer une puissance totale bien supérieure à la charge moyenne et de renforcer les réseaux de distribution.

Du point de vue de l’analyse sectorielle ou « technico-économique », l’enjeu est de produire des statistiques qui permettent de mettre en regard le coût des investissements, le service rendu et les émissions de GES associées. Une classification des investissements en deux catégories « vert » vs « brun » peut de ce point de vue être un résumé utile (en particulier pour la production d’énergie), mais elle reste fragile car dépendante des réglementations et technologies de l’instant T : une voiture hybride pouvait ainsi être considérée comme « verte » dans la décennie 2010 mais sera « brune » dans la décennie 2030. In fine, ces données peuvent servir à estimer des coûts d’abattement (quel coût pour éviter l’émission d’une tonne de CO2), qui permettent d’évaluer l’efficacité des choix technologiques et politiques.

Du point de vue de l’analyse macro-économique, la trajectoire d’ensemble des investissements importe tout autant que celle des seuls investissements « verts », car elle conditionne les effets de demande à court-terme, les besoins de financement et donc le lien avec les taux d’intérêts, etc. L’appareil statistique actuel, à travers la formation brute de capital fixe et l’inventaire du patrimoine des comptes nationaux, permet de capter correctement cette trajectoire d’ensemble, mais les nomenclatures et le niveau de détail disponible ne permettent souvent pas de faire le lien avec les analyses sectorielles « techniques » décrites précédemment.

Ces deux perspectives, sectorielle et macro, constituent des défis pour le système statistique public, relevés, ces dernières années, par d’autres acteurs publics : l’Institut de l’économie pour le Climat (I4CE) pour la répartition « vert / brun » des investissements et du capital et France Stratégie pour la synthèse sur les coûts d’abattement.

Des statistiques pour répondre à « Qui paye la transition ? »

Une juste répartition des efforts semble indispensable pour que la transition climatique soit ordonnée et efficace : le système statistique doit donc fournir suffisamment d’informations pour aider à répondre à la question « qui paye la transition ? ».

Un premier enjeu est de suivre l’évolution des prix et leur impact sur le budget des ménages, sachant qu’à court-terme la possibilité de réduire sa demande en termes d’énergie, de transports ou d’alimentation est nécessairement faible. Un second est de connaître de manière précise l’empreinte carbone des ménages selon leurs caractéristiques (composition du ménage, activité professionnelle, revenus, localisation géographique, etc.). Les estimations réalisées actuellement sont imprécises et le système statistique public devra proposer des données et des méthodes plus satisfaisantes.

La question de « qui paye » conduit à faire face à un paradoxe. Pour réduire les émissions de GES, les instruments directs de « prix du carbone » (taxe carbone ou quotas échangeables) ont souvent la faveur des économistes, car ils sont censés permettre d’atteindre un objectif de réduction donné en laissant le marché orienter de manière efficace les moyens : répartition des efforts entre acteurs et technologies à mobiliser. Mais il se trouve que, du fait de leur impact direct sur les prix et de leur caractère régressif, ces instruments sont souvent mal acceptés par la population et donc in fine par les décideurs politiques. L’approche alternative est donc de privilégier des mesures de restrictions ou de réglementation, secteur par secteur ou technologie par technologie. Ces politiques peuvent sembler « plus équitables » car en apparence plus uniformes, mais elles ne sont pourtant pas exemptes de coûts indirects pour les entreprises comme pour les ménages, voire d’effets anti-redistributifs plus difficiles à évaluer mais néanmoins sensibles.

Au total, les coûts de la transition climatique pour les agents économiques seront multiples, certains étant directs (hausses des prix, taxes) et d’autres indirects (interdiction ou contraintes sur certaines activités). Leur analyse détaillée n’est donc pas seulement affaire de statistique descriptive, mais aussi de modélisation (ex-ante et ex-post, afin de calibrer les politiques publiques et de les évaluer). Le rapport thématique « Enjeux distributifs » rédigé dans le cadre de la mission Pisani-Ferry fait le point sur ces questions (figure 2).

Figure 2 – Dépenses énergétiques des ménages pour leur logement et les transports, en part de leurs revenus, en 2019 (Taux d’effort, en %)

Dépenses énergétiques des ménages pour leur logement et les transports, en part de leurs revenus, en 2019 (Taux d'effort, en %)
Lecture : les 10 % des ménages les plus modestes (1er décile* D1) consacrent 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques de leur logement et 9 % aux dépenses énergétiques pour le transport. Pour les 10 % des ménages les plus aisés (D10) ces parts sont toutes deux de 2 %.
Source : CGDD, modèle Prometheus sur la base de l’enquête nationale Logement 2013 (Insee) et de l’enquête nationale Transports et déplacements 2008 (SDES) ; crédits : CGDD.

Enfin, la question de la mesure des prix elle-même devra également être suivie avec une grande attention. Par exemple, les ménages pourront ressentir le passage de la voiture thermique à la voiture électrique comme une hausse de coût, puisqu’elle est en moyenne plus chère à l’achat. Dans l’indice des prix cependant, la voiture électrique est considérée comme un « nouveau produit », différent de la voiture thermique et donc non directement comparable. À l’inverse, le coût d’usage (consommation de carburant et entretien) pourrait être réduit, ce qui constituera un gain pour les ménages, là encore sans traduction directe dans l’IPC. Il faut noter que la question de la réconciliation entre indice des prix et ressenti des ménages, à court et long-terme, n’est cependant pas spécifique au contexte de la transition climatique.

Va-t-on atteindre la cible, ou comment évaluer l’écart éventuel entre l’ambition et les moyens ?

Il est légitime de se demander si les moyens mis en œuvre pour atteindre l’ambition de neutralité carbone en 2050 sont bien suffisants. C’est tout l’objet par exemple de l’avis rendu chaque année au gouvernement par le Haut Conseil pour le Climat. Cette problématique peut-elle avoir une traduction directe dans les statistiques publiques, et en particulier dans les comptes nationaux ? Après tout, les comptes monétaires reconnaissent et enregistrent déjà les engagements financiers des unités institutionnelles les unes envers les autres, c’est-à-dire les « engagements à payer » (prêts, participations, etc.). Quel lien peut-on faire avec les engagements climatiques ?

Il faut d’abord définir qui s’engage. On peut considérer que les administrations publiques s’engagent au nom de la société dans son ensemble, mais, de manière volontaire ou réglementaire, une partie de la contrainte incombe in fine explicitement aux entreprises et aux ménages. Il faut aussi définir envers qui l’on s’engage ? Certaines propositions visent à faire apparaître un « agent nature » distinct dans les comptes nationaux, qui serait la contrepartie naturelle de l’engagement « humain ». Mais on peut aussi considérer que l’engagement est pris avant tout vis-à-vis de la société actuelle et des générations futures. Enfin, quelle est la nature de l’engagement pris ? « Atteindre la neutralité carbone » ne constitue pas directement un engagement à payer, mais plutôt un « engagement à faire », mesurable en termes physiques. Cet engagement a néanmoins un coût réel, que l’on peut essayer de comparer aux revenus monétaires en le traduisant en euros. Ce chiffrage est bien-sûr au cœur des difficultés, car il repose nécessairement sur un scénario de transition plus ou moins consensuel et incertain.

L’idée générale est donc de reconnaître dans les comptes nationaux un « engagement à faire » envers l’environnement, en lui donnant une valeur monétaire comparable aux revenus présents et futurs. Sur cette base, différentes approches peuvent être adoptées pour construire des indicateurs de référence « ajustés de la contrainte climatique ». Le billet de blog Augmenter les comptes nationaux pour aller au-delà de la seule mesure de l’activité économique publié en avril 2023 aborde notamment cette question.

Poursuivre l’observation des dommages et de l’adaptation nécessaire

L’objectif de l’accord de Paris est de limiter le réchauffement climatique à 1,5° en moyenne à la surface du globe par rapport à l’ère pré-industrielle. Son atteinte est loin d’être acquise : les ambitions et les politiques climatiques des différents pays et régions du globe varient encore considérablement. Même si elles étaient parfaitement mises en œuvre, les « contributions déterminées au niveau national » dans le cadre de l’accord ne permettent d’ailleurs pas, aujourd’hui, d’atteindre l’objectif global. Par ailleurs, même si le réchauffement planétaire se trouvait effectivement limité à 1,5° ou 2,0°, la hausse de la température au sol en France serait certainement plus élevée que cette moyenne globale.

Au total, il est donc raisonnable d’anticiper un réchauffement très significatif en France dans les prochaines décennies, non pas de 2° mais plutôt de 3°, 4° voire 5° dans des scénarios où la transition échouerait au niveau mondial. Par ailleurs, le réchauffement s’accompagnera d’une multiplication d’évènements extrêmes affectant le territoire de manière très variable. Les conséquences économiques et sociales en seront considérables : hausse du niveau de la mer, fréquence des canicules et des sécheresses, abandon contraint de certaines cultures et élevages, etc.

Ces dommages ont avant tout une dimension physique, qu’il s’agit d’observer et de prévoir, à travers la part des surfaces et des populations exposées aux risques (températures extrêmes (figure 3), sécheresse, précipitation extrêmes, inondations). C’est un exercice qui s’appuie sur la prévision et la modélisation et qui n’est donc pas du seul ressort de la statistique publique. Certaines conséquences économiques peuvent en être déduites : dommages aux biens assurés et aux infrastructures, calamités agricoles, interruptions d’activités.

Figure 3 – Fréquence des journées et nuits anormalement chaudes pour les périodes 1976-2005 et 2021-2050

Fréquence des journées et nuits anormalement chaudes pour les périodes 1976-2005 et 2021-2050
Note : les carreaux d’altitude moyenne supérieure à 1 000 mètres ne sont pas considérés.
Lecture : au cours des trois prochaines décennies, il y aura en moyenne, chaque été en Île-de-France, de 16 à 20 journées et de 8 à 11 nuits anormalement chaudes. Avant 2005, la région subissait au maximum 15 journées et 7 nuits anormalement chaudes.
Champ : France métropolitaine.
Source : Météo-France, Drias 2020.

Les efforts d’adaptation, eux, peuvent être difficiles à caractériser. Ils sont pour partie collectifs (adaptation des milieux urbains ou protection des zones côtières) et dans ce cas leur repérage parmi les dépenses publiques n’est pas forcément aisé. Les initiatives de « budget vert » pourront se montrer utiles à cet égard. Ils sont également individuels mais peuvent être ambivalents, avec des effets rebonds ou des « mal-adaptations » : par exemple, on peut s’attendre à une hausse de l’équipement en climatiseurs dans les prochaines décennies, qui permettra de se protéger de la chaleur dans les périodes de canicule mais augmentera aussi la consommation d’énergie.

Enfin, la principale difficulté conceptuelle pour décrire les effets du changement climatique vient du fait que dommages et adaptation ne sont pas deux objets réellement distincts, mais plutôt les deux faces d’une même pièce. À court-terme, une récolte perdue suite à une sécheresse est clairement un dommage, mais à l’horizon 2050, le fait d’avoir remplacé les cultures historiques par de nouvelles plus résilientes peut être considéré comme de l’adaptation, même si ce changement a été contraint. La notion de « dommage » est donc, par nature, très variable dans le temps, ce qui complique son suivi homogène dans la durée par l’appareil statistique.

La collaboration internationale est indispensable pour observer et analyser la transition climatique

Les statisticiens, en particulier en Europe, sont habitués à travailler en collaboration internationale. La comparabilité des résultats économiques entre pays (PIB, taux de chômage, etc.) est en effet un besoin incontournable pour le grand public et les décideurs, ce qui requiert une standardisation élevée des sources et des méthodes. Pour le changement climatique, l’évidence est encore plus grande, une tonne de CO2 émise à Shanghai, en France ou au Texas ayant le même effet sur le climat. Cette réalité requiert une coordination poussée des politiques publiques qui doit s’appuyer, en amont, sur une coordination des observations statistiques.

Le Système des comptes nationaux (SCN) et le Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE) évoluent régulièrement pour mieux prendre en compte les relations entre économie et environnement. Depuis 2012, le SCEE a notamment permis le développement de « comptes d’émissions dans l’air » et de « comptes de flux d’énergie » comparables avec les comptes nationaux et donc de première importance pour l’analyse économique de la transition. Il intègre également depuis 2021 un volet de « comptabilité des écosystèmes », qui est nécessairement affecté par le dérèglement climatique. La question de la valorisation explicite du climat ou des dommages climatiques n’est cependant pas traitée aujourd’hui de manière directe dans ces manuels, et aucune évolution significative sur ce plan n’est prévue à moyen-terme.

Concernant les questions de mesure, l’institut de statistique européen Eurostat, l’OCDE, le G20 ou les Nations Unies organisent les travaux pour progresser sur la disponibilité et la comparabilité des statistiques d’émissions de GES, de commerce international et par extension d’empreinte carbone, qui permettront de comparer plus facilement les efforts et les réussites des différentes régions du monde. L’Insee et le SDES y prennent toute leur part.

Pour en savoir plus

Crédits photo : © Surasak – stock.adobe.com

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