Impacts économiques et sociaux des Jeux Olympiques et Paralympiques : à vos stats, prêts, partez !

Impacts économiques et sociaux des Jeux Olympiques et Paralympiques : à vos stats, prêts, partez !

L’Insee et le service statistique ministériel en charge de la jeunesse et des sports se mobilisent pour évaluer les impacts sportifs, économiques, sociaux et environnementaux des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Ces Jeux contribuent-ils au dynamisme économique et à l’attractivité touristique de l’Île-de-France et de l’ensemble du pays ? Permettront-ils d’encourager la pratique sportive ? Quel sera leur impact environnemental ? Autant de questions auxquelles les différentes enquêtes lancées fourniront des réponses, permettant de juger si les objectifs de ces Jeux ont été atteints – au-delà des médailles. L’évaluation économique a déjà commencé et se poursuivra sur plusieurs années : emploi mobilisé pour la livraison des ouvrages olympiques, étude des flux touristiques, impact sur le PIB en France et en Île-de-France, transformation socio-économique de la Seine-Saint-Denis… Enfin, pour la statistique publique, ces Jeux auront été l’occasion d’enrichir les connaissances et les dispositifs de suivi de la pratique sportive.

Les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) sont bien plus qu’une compétition sportive. Cet événement mondial attire des millions de visiteurs et des milliards de téléspectateurs. Au-delà des performances sportives, les JOP ont des effets potentiels sur les plans budgétaire, économique ou social. La Délégation interministérielle aux JOP (Dijop) de Paris 2024 a élaboré un plan d’évaluation selon 13 axes prioritaires, visant à étudier les impacts sportifs, économiques, sociaux et environnementaux des Jeux (Dijop, 2022). L’Insee et le service statistique ministériel en charge de la jeunesse et des sports, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), contribuent à ces travaux encore en cours (Insee, mars 2024). 

Au fait, quand on cherche à mesurer l’effet des Jeux, devons-nous parler d’impact ou plutôt d’héritage ? Il est souvent difficile d’isoler l’impact spécifique des JOP, par exemple sur le tourisme ou l’économie, car on ne mesure pas la situation de référence à laquelle on pourrait se comparer. Aussi la notion d’héritage est désormais mise en avant par le Comité international olympique (CIO) pour rendre compte des effets durables, aussi bien matériels qu’immatériels, d’un tel événement (construction et rénovation d’infrastructures, cohésion sociale, valeurs sportives…). Les évaluations visant à estimer l’impact des JOP restent pour autant nécessaires afin de rendre compte des coûts et bénéfices globaux, et ainsi livrer aux citoyens un bilan détaillé.

Au-delà de la compétition, un spectacle populaire

Sous le slogan « Ouvrons grand les Jeux », la France vise des Jeux inclusifs, avec une cérémonie d’ouverture et des épreuves au cœur de la ville, et la volonté de faire mieux connaître et promouvoir le sport féminin ou le parasport.

Pour étudier de près ces phénomènes, l’Injep analysera le profil des publics (spectateurs, téléspectateurs, volontaires) et leur vécu des Jeux, à travers plusieurs dispositifs : une enquête statistique auprès d’un échantillon de la population française, l’analyse des données de billetterie, une enquête statistique auprès des 50 000 volontaires de Paris 2024 et de la Mairie de Paris, et enfin l’étude des données d’audience télévisuelles en partenariat avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et Médiamétrie.

Ces enquêtes décriront d’abord les 2 à 3 millions de spectateurs uniques attendus lors de ces Jeux, ainsi que les dizaines de millions de téléspectateurs en France : sont-ils représentatifs de la population francilienne et française, ou à l’inverse des personnes suivant habituellement des compétitions sportives ? La billetterie dite « populaire », mise en place par l’État et les collectivités locales, aura-t-elle permis à des personnes de milieux plus modestes d’assister aux compétitions ? Ces Jeux en France changeront-ils les perceptions des Français envers le sport, notamment féminin et paralympique ? Renforceront-ils le bien-être voire la cohésion nationale, comme l’ont fait, à court-terme, d’autres grands événements sportifs (Euro 2016, Jeux de Londres) ? Autant de questions auxquelles les enquêtes menées par l’Injep permettront de répondre, avec de premiers résultats d’ici fin 2024.

Les impacts économiques des Jeux

Pour les pouvoirs publics, il est crucial de surveiller attentivement les dépenses et les retombées économiques associées aux JOP. La loi du 26 mars 2018 confère à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler les dépenses liées à leur organisation. Au-delà de ce strict aspect budgétaire, les Jeux ont également des conséquences économiques pour le pays hôte, en amont et en aval de son organisation, en particulier sur l’emploi, le produit intérieur brut (PIB), le tourisme ou encore le développement des territoires.

L’Insee a ainsi estimé que 25,8 millions d’heures de travail ont été directement nécessaires en France pour livrer les ouvrages olympiques (infrastructures sportives, mais aussi la construction du Village des athlètes et du Cluster des médias notamment), en s’appuyant sur les données consolidées par la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO), dont le planning d’opérations est presque finalisé (Biausque et Le Fillâtre, 2023). Cela représente l’équivalent de 15 500 personnes travaillant à temps plein sur un an. Le pic d’activité a été atteint en 2022 avec plus de 4 500 équivalents temps plein (ETP), travaillant essentiellement dans la construction, l’architecture et l’ingénierie (figure 1).

Figure 1 – Volume d’heures travaillées dans les établissements de première ligne pour livrer les ouvrages olympiques

Figure 1 – Volume d’heures travaillées dans les établissements de première ligne pour livrer les ouvrages olympiques
Lecture : en 2022, les établissements dits « de première ligne » ont fourni plus de 7,6 millions d’heures de travail pour livrer les ouvrages olympiques, l’équivalent de 4 522 emplois en ETP.
Source : données provisoires SOLIDEO – traitements Insee.

Les effets directs sur l’emploi liés à la construction ne rendent pas compte de l’impact économique plus large des JOP. La dernière note de conjoncture de l’Insee, publiée en juillet 2024, s’appuie sur l’expérience londonienne de 2012 pour estimer l’effet de court terme des Jeux sur le PIB français (Kiren et al., 2024). Les Jeux accroîtraient ainsi le PIB de l’ordre de 0,3 point au troisième trimestre 2024, soit un peu moins de 0,1 point de PIB sur l’ensemble de l’année 2024 (figure 2). Cet accroissement est essentiellement dû à l’enregistrement comptable des dépenses de billetterie et des droits de retransmission à l’été 2024.

Figure 2 – Effet des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris sur la croissance trimestrielle en France

Figure 2 - Effet des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris sur la croissance trimestrielle en France
Source : Insee.

Mais les Jeux ont potentiellement des effets économiques sur une période plus longue, de la phase de préparation avant 2024, à celle d’organisation, puis à celle d’héritage à partir de 2025. Comment aurait évolué la situation économique francilienne et française en l’absence des Jeux ? Pour isoler cet effet des JOP, il convient de recourir à des hypothèses et conventions, ce que propose l’OCDE dans une méthodologie désormais bien établie. En appliquant ces méthodes, le Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) prévoit un impact économique sur la région Île-de-France compris entre 7 et 11 milliards d’euros sur une période de 17 ans entre 2018 et 2034 (figure 3 ; CDES, 2024). Cette estimation se fonde sur certaines données déjà disponibles (données prévisionnelles de billetterie de Paris 2024, budget des JOP…), mais aussi sur trois scénarios relatifs aux « multiplicateurs keynésiens » qui permettent de mesurer les effets d’entraînement sur l’économie locale. Ces analyses seront affinées ex post, sur la base notamment des données observées des comportements des touristes.

La mesure du poids économique lié au tourisme olympique est centrale (nombre de visiteurs et dépenses associées) et permettra d’alimenter plusieurs rapports d’évaluation ex post des JOP, en particulier sur le plan économique. Plusieurs dispositifs sont ainsi mobilisés pour évaluer l’impact des JOP sur le tourisme :

Par ailleurs, les données expérimentales diffusées par Eurostat sur les locations de meublés de tourisme permettront d’apporter un éclairage supplémentaire sur le phénomène (Askenazy et Bourgeois, 2024).

Figure 3 – Impact économique total des Jeux de Paris 2024, en M€ courants

Figure 3 – Impact économique total des Jeux de Paris 2024, en M€ courants
Source : Centre de droit et d’économie du sport (CDES)

Par ailleurs, un territoire attire plus particulièrement l’attention en termes d’héritage : celui de la Seine-Saint-Denis, où des investissements importants ont été consentis dans les infrastructures sportives et résidentielles. Celles-ci pourraient donner un coup d’accélérateur à son développement et lui permettre de combler un certain retard socio-économique (Biausque et al., 2024). En plus du Stade de France, le département dispose maintenant du Centre Aquatique Olympique qui deviendra un autre haut lieu du sport en France. Si on sait déjà que la natation est le sport le plus pratiqué en club par les filles et les femmes dans le département (Acs et Baha, 2024), des études d’impact sont menées sur l’évolution de l’aisance aquatique des habitants dans le département, auparavant sous-doté en piscines. Il s’agit aussi d’interroger l’héritage urbanistique, avec la création de deux nouveaux quartiers sur des zones en friche de la Seine-Saint-Denis (le Village des athlètes et le Cluster des médias) et de passerelles qui relient des territoires auparavant séparés. Bien qu’inscrits dans une dynamique globale de développement du département, notamment avec le projet du Grand Paris Express, ces projets associés aux JOP viennent modifier certains équilibres socio-économiques de la région francilienne : des effets en chaîne sur le prix des logements et sur les revenus devenus nécessaires pour s’y installer sont déjà perceptibles (figure 4).

Figure 4 – Autorisations de construction de logements ou de locaux non résidentiels en Seine-Saint-Denis entre janvier 2013 et mai 2024, par section cadastrale*

Figure 4 - Autorisations de construction de logements ou de locaux non résidentiels en Seine-Saint-Denis entre janvier 2013 et mai 2024, par section cadastrale*
* Sur une surface cadastrale, les autorisations totales de construction inférieures à 50 000 m² ne sont pas représentées.
Lecture : entre 2013 et 2024, à Saint-Ouen-sur-Seine, sur la section cadastrale du Village des athlètes, 83 000 m² de logements et 11 000 m² de locaux non résidentiels ont été autorisés à la construction.
Source : Sit@del 2013-2024, calculs Insee.

L’impact environnemental : une préoccupation croissante

Depuis la fin des années 1990, l’impact environnemental des JOP est de plus en plus scruté. Les organisateurs produisent désormais des études d’impact environnemental, en s’appuyant sur une méthodologie publiée par le Comité International Olympique (CIO, 2018).

Paris 2024 s’est ainsi fixé pour objectif de réduire de plus de moitié l’empreinte carbone de l’événement par rapport aux précédentes éditions : la cible est fixée à 1,5 Mt CO2eq contre 3,3 millions pour Londres 2012 et 3,6 millions pour Rio 2016. Paris 2024 vise également à compenser ces émissions, démarche qui deviendra systématique à compter des JOP 2030 (CIO, 2021). Pour atteindre cet objectif, Paris 2024 utilisera principalement des sites déjà existants pour accueillir les compétitions sportives, réduisant ainsi l’impact des constructions neuves. Paris 2024 a également pris des engagements en matière d’économie circulaire et de préservation de la biodiversité. Selon les projections de Paris 2024 (réalisées en 2020), la construction des infrastructures représentera environ 32 % de l’empreinte carbone, le transport des athlètes et des spectateurs 39 %, et les autres secteurs, incluant l’énergie utilisée et l’hébergement, 29 %.

Comme ces estimations reposent encore sur de nombreuses hypothèses, il est crucial de savoir quels moyens de transport seront utilisés (avion, train, voiture) et combien de nuitées les visiteurs passeront dans les régions accueillant les Jeux pour évaluer avec précision les émissions associées. Après les JOP, le Commissariat général au développement durable (CGDD) réalisera un bilan de l’empreinte carbone, qui viendra compléter celui effectué par ailleurs par Paris 2024. La Direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) du ministère en charge de la Transition écologique évaluera de son côté les effets sur la biodiversité. L’analyse post-Jeux reposera notamment sur les données collectées par l’Insee concernant les touristes non franciliens venus assister aux JOP. En analysant de manière détaillée et à partir de données fiables la contribution de chaque secteur à l’empreinte carbone, cette évaluation permettra de mieux comprendre l’impact écologique des JOP et contribuera à améliorer les pratiques futures pour l’organisation d’événements sportifs.

Les JOP permettent-ils d’augmenter la pratique sportive ?

Lors des précédentes éditions, les JOP ont entraîné une légère augmentation de la pratique sportive en France dans les clubs au cours de l’année scolaire suivante. Entre les Jeux d’Athènes 2004 et ceux de Rio 2016, les fédérations représentées ont enregistré un supplément d’inscriptions de 2,3 % après les Jeux, avant un repli de 1,3 % l’année suivante. L’effet est encore plus marqué pour les sports habituellement moins médiatisés : le tir à l’arc, l’escrime, le badminton, le canoë-kayak, l’haltérophilie, le handball, l’aviron, la gymnastique et le volleyball (figure 5).

Figure 5 – 28 fédérations olympiques classées selon l’impact médian sur les licences annuelles les années post-JOP

Évolution médiane des licences annuelles en % les années post-JOP corrigée de la tendance annuelle moyenne (2003-2018) de la fédération

Figure 5 - 28 fédérations olympiques classées selon l’impact médian sur les licences annuelles les années post-JOP
Note : le graphique correspond aux olympiades d’Athènes 2004, Pékin 2008, Londres 2012 et Rio 2016. FF de Rugby et de Golf incluses à partir de 2015 (participation à partir de Rio 2016).
Lecture : si l’on considère les 4 dernières olympiades d’été (hors Tokyo), l’évolution médiane des licences de la Fédération française de Tir à l’arc l’année suivant des JOP a été de +8 % par rapport à une année moyenne.
Source : recensement des licences et clubs, INJEP-MEDES
.

Avec l’organisation des Jeux en France, ces effets pourraient être renforcés, sans que l’impact sur la pratique sportive ne soit nécessairement massif. Les Jeux de Londres en 2012 ont illustré ce phénomène : la proportion de 16 ans et plus ayant pratiqué un sport au moins une fois par semaine est restée quasi-stable entre octobre 2008 et octobre 2016, autour de 36 à 37 %, avec une légère hausse de 1 point entre 2011 et 2012, avant de retomber à 36 % à compter de 2014.

Les recherches académiques indiquent par ailleurs que l’effet des JOP sur la pratique sportive dépend des politiques publiques d’encouragement qui les accompagnent. En France, plusieurs dispositifs ont été lancés en amont des Jeux, comme le Pass sport, les 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école, les deux heures de sport en plus au collège ou encore la promotion de l’activité physique et sportive comme Grande cause nationale 2024.

Pour estimer l’impact des JOP et de ces politiques d’accompagnement sur la pratique sportive, l’Injep utilisera deux sources principales : le Baromètre national des pratiques sportives, qui évalue la pratique régulière en club ou de manière autonome, et une enquête « flash » auprès de 52 grandes fédérations sportives. Le Baromètre, réalisé tous les deux ans depuis 2018 et annuellement depuis 2022, couvre la période avant et après les JOP. L’enquête « flash » fournira des premières estimations sur les licences sportives annuelles fin 2024, complétées par un recensement complet des licences et clubs à l’été 2026 pour la saison 2024/2025.

Ces deux sources convergent pour indiquer que la pratique sportive a augmenté de manière significative depuis la crise sanitaire : 59 % des 15 ans et plus pratiquent par exemple régulièrement en 2023, soit une hausse de 5 points par rapport à 2018. Le gouvernement a fixé la cible d’une nouvelle augmentation de 3 millions de pratiquants entre 2024 et 2027. Les enquêtes de l’Injep permettront de suivre la réalisation de cet objectif.

Vers un héritage statistique ?

Les JOP laisseront également un « héritage statistique » durable. L’Injep a amélioré ses enquêtes statistiques, en adoptant des dispositifs de suivi plus fréquents, comme le Baromètre national des pratiques sportives désormais annuel, ou la mise en place d’un indicateur avancé de l’évolution des licences sportives. À l’occasion des Jeux paralympiques, l’Injep mobilise des enquêtes de plusieurs services statistiques ministériels pour mieux appréhender les pratiques sportives des personnes handicapées. Le service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (Sies) a de son côté lancé des travaux pour mieux connaître les étudiants sportifs de haut niveau (Klipfel, 2024).

Un autre héritage des JOP est la relance par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (MSJOP) du recensement des équipements sportifs, suspendu depuis 2021. L’actualisation des données depuis 2023 et leur intégration dans la Base permanente des équipements (BPE) de l’Insee offrent un outil précieux pour le mouvement sportif et les acteurs locaux.

Enfin et dans le cadre d’une démarche de développement humain et durable, la charte en faveur de l’Emploi et du développement territorial a conduit la SOLIDEO à créer un dispositif inédit de suivi des personnes en insertion sur les chantiers des Jeux. À ce jour, plus de 4 000 personnes ont participé, cumulant 2,9 millions d’heures de travail. Grâce au code statistique non signifiant (CSNS) et à l’appariement avec la base Tous salariés, l’Insee pourra suivre sur le long terme le parcours de ces personnes sur le marché du travail et évaluer l’efficacité du dispositif.

Pour en savoir plus

Crédits photo : ©Martin Schlecht  – stock.adobe.com

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